Spirou et le fétiche des Marolles
De Yann et Schwartz, l’épatant premier volet de "La Femme léopard".
Publié le 08-05-2014 à 12h02 - Mis à jour le 12-05-2014 à 09h18
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/2N4JUIML5NBKLMCS4NVVI5OPQM.jpg)
De Yann et Schwartz, l’épatant premier volet de "La Femme léopard".S‘il est un scénariste à l’étourdissante diversité d’inspiration (des "Innommables" à "Dent d’ours", de "Pin-up" à "Tigresse blanche", via son adaptation des "Hauts de Hurlevent"), c’est bien Yann dont l’humour et l’érudition laissent rêveur. Et s’il est un artiste dont l’élégante vivacité du dessin et l’excellence de la mise en page des planches nous enchantent, c’est bien Olivier Schwartz, héritier spirituel surdoué du si regretté Yves Chaland.
Yann et Schwartz, l’un et l’autre perfectionnistes en diable, ne pouvaient qu’associer leurs talents pour notre bonheur de lecteurs. Il en résultera "Le groom vert-de-gris", une aventure de Spirou et Fantasio qui se déroule principalement à Bruxelles durant les années d’Occupation: un chef-d’œuvre (cf. "Lire" du 11 mai 2009). Après "Gringos Locos" qui évoque - avec un humour hélas mal perçu par certains - le coloré séjour qu’effectuèrent en 1948, au Mexique et aux Etats-Unis, Jijé (accompagné de son épouse Annie et de leurs enfants), Franquin et Morris, Yann et Schwartz nous reviennent, en grande(s) forme(s), avec "La Femme léopard", intitulé "Spirou et le fétiche des Marolles" lors de sa prépublication dans le Journal de Spirou dès le 18 décembre 2013. Une histoire fleuve, à trépidants rebondissements, qui commence à Bruxelles en 1946. La (re)lecture préalable du "Groom vert-de-gris" s’impose évidemment car elle explique le chagrin et l’alcoolisme qui rongent un Spirou désemparé, hanté par le fantôme de la jeune Audrey, l’une des martyres de l’Holocauste. Une Audrey en filigrane de ce drôle et tendre album empreint d’un brin de fantastique. Le récit, conté à tombeau ouvert, débute au cours de la nuit où une sculpturale et redoutable Africaine, poursuivie par de monstrueuses créatures, s’introduit dans une chambre du Moustic Hôtel où loge un vieux ronchon colon.
N’en démasquons pas davantage, nous limitant à révéler que Spirou et Fantasio-le-zazou prennent le chemin de Paris. Plus précisément de l’"existentialiste" quartier de Saint-Germain-des-Prés, ce qui permet à Yann et Schwartz d’y caricaturer Boris Vian et Juliette Gréco mais surtout Sartre et Simone de Beauvoir, nous fournissant la plus inattendue source d’inspiration du "Deuxième Sexe", le fondamental ouvrage féministe dont l’audace écœurera Mauriac. Un album truffé de références visuelles ou verbales: chacun en fera ses délices. De cette aventure cousue-main par deux auteurs au plus talentueux d’eux-mêmes, le second volet - "Le maître des hosties noires" - conduira Spirou, Fantasio et la black à look d’enfer au Congo, belge alors encore. De la BD qui vaut de l’ or.
La Femme léopard Olivier Schwartz et Yann Dupuis 64 pp. mises en couleurs par Laurence Croix, env. 14,50 €