Pour ou contre la fessée ?
Les contes d’aujourd’hui abordent également les sujets de société. Initiatiques et psychanalytiques, les voici philosophiques.
Publié le 22-05-2014 à 12h46 - Mis à jour le 26-05-2014 à 09h45
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Les contes d’aujourd’hui abordent également les sujets de société. Initiatiques et psychanalytiques, les voici philosophiques.La vie s’apprend dans les romans mais également dans les contes. Sources de sagesse, d’apprentissage, d’élévation aussi, ils guident sur le chemin de la vie et de l’esprit. Ghislaine Roman n’a pas hésité à leur donner une dimension philosophique comme on le découvrira à la lecture des "Contes d’un roi pas si sage", trois histoires chronologiques du roi Artégan qui avait tout pour être heureux et qui s’appliquait à faire de son royaume un pays de douceur et de postérité. Maisons repeintes en couleurs vives, jardins coquets, festins copieux… Rien ne semblait lui manquer. Rien, sauf le temps qui court et lui échappe. Lorsqu’il réalise qu’une journée ne durera jamais plus de vingt-quatre heures, le roi se désespère, publie un arrêté royal mais ne se fait pas obéir. Même Maître Cyrélius, l’horloger royal, ne peut rien pour lui. C’est finalement en retournant voir le jardinier qu’il trouvera la réponse à sa question : ce n’est pas le temps qui compte mais ce que l’on en fait.
"De la sagesse du cœur", le deuxième conte soulèvera, quant à lui, l’épineuse question des malentendus et leurs fâcheuses conséquences. Relatif à l’éducation, le troisième et dernier texte de ce recueil moderne et intemporel évoque la question de l’éducation sous un jour intéressant qui prône le courage et le goût de vivre. Illustrés d’un crayon très graphique grâce à la délicate originalité de Clémence Pollet, remarquée non seulement au Salon de Bologne mais aussi au salon du livre et de la presse jeunesse Saint-Denis, ces "Contes d’un roi pas si sage" révèlent, en quelque sorte, l’intelligence de la désobéissance.
Et pourraient intéresser le prince en deux dont le conte relate l’histoire d’une mémorable fessée, sous la plume, cette fois, d’Olivier Douzou et le pinceau de Frédérique Bertrand aux dessins toujours aussi naïvement inquiétants. La fessée s’inscrit dans la digne lignée de ces deux artistes très talentueux, deux grands noms des éditions du Rouergue dont ils ont forgé la réputation. Un album drôle, politique et percutant mais d’une grande finesse psychologique aussi où la dualité et la culpabilité se disent entre les lignes. Faut-il oui ou non autoriser la fessée ? Telle est la principale question posée à la manière d’un micro-trottoir. Chacun y va de son avis pendant qu’un gamin, insistant, tire sa mère par la manche de peur d’arriver en retard à l’école. Une autre histoire s’immisce alors dans le reportage, celle du prince qui reçut une fessée tellement violente qu’il en fut coupé en deux. Et si l’une des deux moitiés choisit de se taire et de se montrer sous son plus beau profil, l’autre, en colère, fut enfermée dans la tour du château. Jusqu’à ce qu’il s’évade et menace le roi d’informer le peuple de ce qui est arrivé. Deux récits, deux temps et deux univers en un album. Un minimum pour deux princes en un seul homme.
Les contes se laissent également souvent revisiter ou apprivoiser. Source infinie d’inspiration, ils sont pétris par nombre d’artistes. Un exercice jubilatoire dont Anthony Browne ne se prive pas. À l’instar de son petit Ours qui se balade dans la forêt avec son crayon magique et réécrit le fil de l’histoire. S’il croise un loup, il lui dessine un cochon géant, de quoi couper l’appétit au canidé soudain terrifié. En poursuivant son chemin, il rencontre un géant qu’il enferme d’un coup de crayon dans un arbre sinueux avant de scalper la sorcière et de gaver à coups de pâtisseries les célèbres trois ours. Un album simple et humoristique au héros bien sympathique et un véritable hymne à l’imagination. Une belle introduction à l’œuvre du grand Anthony Browne.
Laurence Bertels
Contes d’un roi pas si sage Ghislaine Roman et Clémence Pollet Seuil jeunesse 80 pp., env. 13,50 €.Dès 6 ans
Le conte du prince en deux Olivier Douzou et Frédérique Bertrand Rouergue 64 pp., env. 16 €. Dès 4 ans
Un conte de Petit Ours Anthony Browne Kaléidoscope 20 pp.,env. 10,90 €. Dès 3 ans