L'arbre qui nous éveille
Avant "Le tigre", qui lu valut un vif succès, John Vaillant s’est intéressé à la disparition d’un arbre emblématique. A travers lui, c’est toute une industrie et une civilisation qui révèlent leurs excès, irrémédiables pour la planète.
- Publié le 30-05-2014 à 21h25
- Mis à jour le 02-06-2014 à 12h03
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Avant "Le tigre", qui lu valut un vif succès, John Vaillant s’est intéressé à la disparition d’un arbre emblématique. A travers lui, c’est toute une industrie et une civilisation qui révèlent leurs excès, irrémédiables pour la planète.Insatiable voyageur, John Vaillant n’a de cesse de s’intéresser aux frictions entre l’homme et son milieu naturel. Ainsi a-t-il parcouru les cinq continents, offrant aux lecteurs de "The New Yorker", "The Atlantic" et "National Geographic" le récit de ses pérégrinations. En 2010, "Le Tigre" lui a valu une large reconnaissance. Ce texte, couronné par le prix Nicolas Bouvier, dressait, au départ d’une histoire vraie (un tigre de Sibérie avait, l’hiver 1997, dévoré les habitants d’un petit village isolé des forêts d’Extrême-Orient russe), le portrait d’une région à l’économie, la culture et l’environnement dévastés. C’est aussi l’hiver 1997, mais en terres canadiennes cette fois, qui lui a inspiré "L’Arbre d’or", sous-titré "Vie et mort d’un géant canadien", un livre antérieur au "Tigre".
Cet hiver-là, Grant Hadwin, bûcheron chevronné de Colombie-Britannique, abat un épicéa de Sitka vieux de 300 ans, haut de 50 mètres et d’une circonférence de six mètres, fierté des Indiens des îles de la Reine-Charlotte. Ses aiguilles d’or faisaient de ce spécimen un mutant sans équivalent dans le monde botanique. Curiosité scientifique et attraction touristique, l’arbre était surtout sacré pour le peuple des Haïdas. La consternation et la colère des autochtones furent totales. D’autant que ce forfait se révélait paradoxal, son auteur entendant par son acte dénoncer les torts causés à la nature par l’homme. "(…) mais comment punir un homme qui abat un arbre sacré dans un geste de protestation, quand toute la forêt environnante ou presque a déjà été rasée pour le profit ?" Vite soupçonné pour ce "crime" sans précédent, Grant Hadwin, être énigmatique et hors normes, ne se présentera pas à son procès. Il préférera se réfugier dans la forêt où il ne sera jamais retrouvé.
Retraçant l’histoire de cet arbre et de la communauté qui l’a vu grandir, John Vaillant dépeint avec ferveur une région reculée considérée comme un Eden originel et sauvage, autrefois riche d’un trésor exploité à outrance. "Il y a encore cent cinquante ans, une forêt de sapins droits et robustes était aussi précieuse que peuvent l’être aujourd’hui un champ de pétrole ou une mine d’uranium." Disparition de la forêt primaire, paysages défigurés par les coupes claires, perte d’un écosystème : on ne pourra revenir en arrière. En conteur-né, John Vaillant en tire un récit passionnant, éloquent et édifiant. Où respect et résistance deviennent des nécessités secouant nos consciences. Et invitent à l’émerveillement.
L’Arbre d’or John Vaillant traduit de l’anglais (Canada) par Valérie Legendre Les Editions Noir sur Blanc 332 pp., env. 22 €