Paul Auster, un écrivain en devenir
Où Paul Auster se penche sur ses années d’enfance et d’apprentissage.
Publié le 08-06-2014 à 11h25 - Mis à jour le 10-06-2014 à 09h17
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Où Paul Auster se penche sur ses années d’enfance et d’apprentissage.Il y a peu, Paul Auster jetait un regard bienveillant sur sa vie par le biais du corps dans une "Chronique d’hiver" exempte d’amertume et affichant une franche lucidité. C’est encore sur son existence, en ses plus jeunes années cette fois, que l’écrivain américain né à Newark en 1947 se penche dans "Excursions dans la zone intérieure". Où l’utilisation de la deuxième personne, à nouveau à l’œuvre, donne l’impression qu’il s’adresse d’abord à l’enfant qu’il fut et qui demeure en lui. Le défi ne s’annonçait pas mince. "C’était une chose, d’écrire sur ton corps, de cataloguer les multiples coups et plaisirs éprouvés par ton être physique, mais l’exploration de ton esprit à partir de tes souvenirs d’enfants sera sans doute une tâche plus ardue - voire impossible." D’autant que la mémoire a son alchimie propre.
Le tout s’organise en trois temps. L’enfance, d’abord, limitée à l’âge de douze ans. "Qui étais-tu, petit homme ? Comment es-tu devenu une personne capable de penser et, une fois que tu en as été capable, où tes pensées t’ont-elles mené ?" La vie de famille, les étés à s’ennuyer (ce qui permet à l’esprit de vagabonder) ou passés en camp de vacances, les premiers chocs cinématographiques et littéraires, les émois naissants et les rêveries, les héros choisis pour modèles et la prise de conscience de la judéité, la passion du base-ball et l’attachement à l’Amérique ont façonné l’initiation au monde, si déterminante.
Vient ensuite, après un saut dans le temps, la période étudiante, revisitée à partir de la correspondance entre Paul Auster et la romancière Lydia Davis, sa première épouse. Longtemps séparé, le jeune couple s’est écrit. L’auteur de "Léviathan" et de "L’invention de la solitude" a extrait les passages clés de ces lettres dont les mots lui appartiennent toujours. Par là apparaît un jeune homme avide de connaissances et de découvertes, qui commence à écrire et rêve de cinéma, se révèle acharné à la tâche, vit de riens à Paris et participe à la protestation à Columbia. L’homme ne dévoile rien de ce qu’il a pu éprouver à la relecture de ces textes qui révèlent un être solitaire et déterminé, dont les écrits produits dès 1967 trouveront place, d’une manière ou d’une autre, dans l’œuvre publié. "Je suis en train de découvrir ce que ça… signifie d’être artiste, d’être celui qui devient artiste en retournant vers l’extérieur ce qui est en lui." Enfin, le volume se termine par une sélection d’une centaine d’illustrations emblématiques de son parcours et, à leur manière, de l’histoire des Etats-Unis de la seconde moitié du XXe siècle. De quoi clore avec originalité un récit qui ne révèle ni frasques ni fracas, simple substrat d’une époque et d’une zone intérieure en construction.
Excursions dans la zone intérieure Paul Auster traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Paul Furlan Actes Sud 363 pp., env. 23 €