Cela s’est passé près de chez nous
Liliane Schraûwen sur les traces de notre histoire la plus sombre. Et si cela ne remonte pas à hier, cela a bel et bien ébranlé nos ancêtres jusqu’à parfois très loin en dehors de nos frontières.
Publié le 03-07-2014 à 11h58 - Mis à jour le 07-07-2014 à 09h54
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Liliane Schraûwen sur les traces de notre histoire la plus sombre.Cela s’est passé près de chez nous. Et si cela ne remonte pas à hier, cela a bel et bien ébranlé nos ancêtres jusqu’à parfois très loin en dehors de nos frontières. Au moment où la Belgique se réjouit volontiers de la notoriété que lui font à l’étranger des Stromae, Marcolini, Van Noten ou autre Cécile de France, la romancière qu’est Liliane Schraûwen ressuscite quatorze "Grandes affaires criminelles" qui, avant celles ayant impliqué Marc Dutroux ou Geneviève Lhermitte, n’ont pas contribué à notre heureuse réputation. Explorant des zones sombres et souvent effroyables de notre histoire, l’auteur de ce tout récent livre - qui rejoint une collection déjà volumineuse en France -, a souvent assorti dans ses divers écrits son intérêt pour autrui et l’impétuosité de ses sentiments. Curieuse, intense, passionnée, elle porte volontiers un regard affûté et sans concession sur les événements heureux ou tragiques qui, où qu’ils soient mais ici aussi, touchent les hommes et les femmes de toutes conditions et de tous âges.
"L’affaire Peltzer, bien oubliée aujourd’hui, passionna la Belgique et l’Europe au XIXe siècle, presque autant que l’affaire Dreyfus." Ainsi démarre le récit détaillé et étayé de lettres et documents du crime commis à Bruxelles le 7 janvier 1882 contre l’avocat anversois Guillaume Bernays. Quatorze assassinats sordides et souvent effroyables, pas toujours élucidés, se succèdent ainsi entre 1779 où un homme d’Eglise s’accusa d’un crime qu’il n’avait peut-être pas commis et 1997 où furent retrouvées les victimes du dépeceur de Mons jamais découvert. A côté de la mort infligée à Gustave Fougnies par de "la nicotine à l’état pur" pour laquelle fut condamné en 1851 le comte Hyppolyte Visart de Bocarmé, on croise la veuve Becker, une empoisonneuse hors normes aussi appelée "veuve noire", la petite Jeanne qui connut en 1906 une horrible fin rue des Hirondelles près de la place de Brouckère ou encore, plus proche, Christine Van Hees, violée, mutilée et assassinée en 1984 dans des conditions épouvantables - il est insupportable d’admettre que le dossier demeuré irrésolu a été prescrit cette année - dans une champignonnière désaffectée d’Auderghem.
S’appuyant sur une large documentation, Liliane Schraûwen évoque ces histoires avec une neutralité que compense son écriture éprouvée de romancière. Chaque récit se lit comme un polar. Mais c’est la vie que l’on côtoie dans ce livre. Celle qui bat au vrai des gens, dans leur corps, dans leur esprit, dans leurs envies ou jalousies, dans ce qu’ils ont reçu ou pas d’éducation, de chance, de perversité, d’égoïsme et, de toute manière de mépris des autres. De l’établissement des faits à la description des personnalités, des indices, soupçons, dérapages d’enquête, on suit chaque épisode jusqu’au procès et au jugement. Il y faut souvent le cœur bien accroché. On ne peut qu’être écœuré par cette incursion dans une abjection si tristement… humaine.
Les grandes affaires criminelles de Belgique Liliane Schraûwen Éd. De Borée 445 pp., env. 26 €