Erri De Luca devant des juges !

Le grand écrivain risque 1 à 5 ans de prison pour avoir utilisé le mot "sabotage".

Guy Duplat
Erri De Luca devant des juges !
©AFP

Erri De Luca, 64 ans, l’écrivain inoubliable de "Montedido", comparaît ce mercredi, à Turin, devant des juges pour "incitation au sabotage". Il fut dans les années 70 responsable du service d’ordre du groupe d’ultra-gauche Lotta continua (une page tournée, dit-il), il vit aujourd’hui en ermite, lisant la Bible en hébreu, pratiquant l’alpinisme, écrivant de petits livres merveilleux.

Il est l’objet d’une plainte de la société qui veut construire, dans le val de Suse, le futur TGV Turin-Lyon (TAV), pour avoir incité, dans le "Huffington Post", à "saboter" ce projet. "Pas question de terrorisme, disait-il, je reste persuadé que ce TAV est une entreprise inutile et je continue à penser qu’il est juste de le saboter." Le mouvement NO-TAV craint que ce projet ne vienne pulvériser dans l’atmosphère des gisements d’amiante.

A la veille de ce procès politico-littéraire, De Luca a répondu par un livre intitulé "La parole contraire", la parole qu’il revendique comme un droit à la libre expression. Il assume le mot "sabotage" qu’il utilisa, mais il rappelle qu’on parle aussi de "sabotage" quand "une grève perturbe la production ou quand des parlementaires "sabotent" un projet de loi en pratiquant l’obstruction". Saboter, dit-il, veut dire "entraver".

Plus fondamentalement, il en appelle au droit (ou devoir) des artistes et écrivains "à protéger le droit de tous à exprimer leur propre voix. Parmi eux, je place au premier rang les muets, les sans voix, les détenus, les diffamés, les analphabètes, les nouveaux résidents qui connaissent mal notre langue". Il en appelle à Pasolini qui était alors invité dans tous les médias. Comme lui, "un intellectuel a pour fonction de frôler les limites d’une pensée. Alors que celui qui suit au contraire l’opinion dominante, le mouton du centre, retire à sa pâte le levain et le sel."

Il assume son combat écologique

Il n’est pas banal de voir un grand écrivain sur le banc des accusés pour des mots qui tiennent uniquement de la liberté d’expression. Bravache, il assume son combat écologique, disant en plus que cette "inculpation est mon premier prix littéraire en Italie". "L’importance attribuée à mes phrases est pour moi une reconnaissance littéraire." Le sabotage, dit-il, est dans l’autre camp : "L’accusation portée contre moi, sabote mon droit constitutionnel à la parole contraire". Il a déjà dit que quel que soit le jugement, il ne ferait pas appel, prêt à la prison plutôt que de renoncer à la "parole contraire".


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