Guérir l’âme, mais de quoi ? Réponse à toutes les questions légitimes avec Alain Gérard
Il reste des gens pour croire que la psychothérapie s’adresse aux malades mentaux. Et il en est aussi qui continuent de penser que la dépression est une maladie honteuse. Trop de préjugés et de malentendus courent et persistent sur le compte de la psychothérapie.
Publié le 20-09-2015 à 14h54 - Mis à jour le 21-09-2015 à 09h17
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Il reste des gens pour croire que la psychothérapie s’adresse aux malades mentaux. Aux fous furieux, aux détraqués, aux "neurasthéniques", aux hystériques, à tout qui porte un entonnoir sur la tête. Et il en est aussi qui continuent de penser que la dépression est une maladie honteuse. D’ailleurs, c’est simple, ceux-là sont d’avis que les amis sont là pour ça, voués le cas échéant à partager leur souffrance, leur mal-être, leur angoisse. Ce sont alors bien souvent des amis perdus.
Trop de préjugés et de malentendus courent et persistent sur le compte de la psychothérapie, même s’il est vrai qu’elle n’est pas toujours concluante et qu’elle peut être administrée par des charlatans. En particulier, de tout temps, la psychanalyse est demeurée l’objet de nombreux fantasmes, fantaisie réservée à des êtres nombrilistes, narcissiques et impudiques, en déficit de "respect humain".
Ce sont toutes ces idées fausses que le psychiatre Alain Gérard (photo) s’emploie à dissoudre dans un ouvrage remarquable - rédigé avec sa consœur Brigitte Remy - où il remet un certain nombre de pendules à l’heure. Y assurant du reste que toutes les idées reçues ne sont pas forcément infondées, quant aux tarifs notamment, à la durée des séances, aux garanties de résultats, et à quantité d’autres questions que les patients sont légitimement admis à se poser. Et qui ont souvent trait au transfert, à la sympathie et à la (nécessaire) connivence que suppose le couple psychothérapique.
"La psychothérapie peut assurément changer la vie, voire offrir une planche de salut", débute d’emblée le Dr Gérard. Mais "force est de reconnaître que nombre de tentatives de psychothérapie échouent, en dépit ou en raison de l’offre multiple […]. Les psychothérapeutes ne sont pas des sauveurs. Ils ne sont pas tout-puissants, ni à court ni à long terme." C’est pourquoi les deux médecins insistent sur la nécessité, pour le patient, de connaître les règles et pratiques de la thérapie choisie, sachant l’énergie, le temps et l’argent qu’il y faudra investir.
Depuis Freud se pose naturellement le défi de la "guérison". Encore faut-il savoir de quoi guérir au juste. Si, de toute évidence, la psychothérapie projette d’aider, voire de guérir, Alain Gérard se réfère ainsi au célèbre ethnopsychiatre Tobie Nathan : "Le terme de psychothérapie désigne toute procédure d’influence destinée à modifier radicalement, profondément et durablement une personne, une famille ou une situation. Mais attention, modifier ne veut pas dire guérir et certaines thérapies sont plutôt des processus d’adaptation".
Longtemps, en France, le courant issu de la psychanalyse freudienne a dominé, "postulant l’existence d’un inconscient, le fait que les symptômes ont un sens, et qu’il convient de laisser le patient raconter ce qu’il a à dire". Mais, à partir des années 1960, un mouvement d’origine anglo-saxonne s’est largement répandu sous le nom de thérapie comportementale et cognitive (TCC) où il s’agit moins d’analyser les causes que de modifier des comportements ou des systèmes de pensée. Enfin, plus récemment, les thérapies dites de pleine conscience s’adressent plus directement au monde des émotions.
On lira ce livre excellemment inspiré de bout en bout, par le menu, ou à la carte, on en goûtera de toute manière toute la nuance et la finesse, apprivoisant ainsi peu à peu un univers qu’on n’osait peut-être pas trop affronter de face. On y apprendra d’abord qu’on ne suit pas une thérapie pour être heureux, mais pour vivre enfin sa propre vie, à l’écart des destins que d’autres nous avaient impudemment préfabriqués.
Si votre psychothérapie n’avance pas… Dr Alain Gérard (avec le Dr Brigitte Remy Albin Michel 285 pp., env. 18 €