Paris qui aime, Paris méchant
Charles Dantzig mène une sarabande comique, douloureuse, cruelle.
Publié le 21-09-2015 à 09h24
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Charles Dantzig mène une sarabande comique, douloureuse, cruelle.Paris est une ville merveilleuse à bien des égards, nous disait l’autre jour Charles Dantzig, mais Paris est une ville méchante. On s’en convaincra à la lecture de son dernier roman, qui met en scène sept personnages sur fond de la campagne contre le mariage gay. Un étrange mélange d’électeurs de Le Pen, de parlementaires sarkozystes, de parents accompagnés d’enfants, de braves gens et de prophètes de malheur défilèrent sous des slogans souvent débiles, parfois haineux, contre les "gays". Paris était-il encore Paris ?
Sur cette toile de fond, Charles Dantzig a enchevêtré les sentiments et les comportements de sept personnages (en plus de beaucoup d’autres) : le député Furnesse, vedette homophobe des médias; son fils gay de 20 ans, Ferdinand, qui est sans recours contre les sarcasmes dont il l’accable : "Les Noirs ont des parents noirs. Les Roms ont des parents roms. Les Juifs ont des parents juifs. Les gays ont des parents hétéros". Puis, il y a Pierre, grand écrivain devenu stérile, et Ginevra, "qu’il tente d’aimer"; Armand et Aaron, cadres d’entreprises qui vivent en couple; et Anne, si belle, si seule.
Tous vivent, souffrent, aiment, s’interrogent, dans une "comédie humaine" d’une invention folle, tour à tour comique, douloureuse, sarcastique, sociologique. Du Palais-Bourbon à un sauna gay, de la fac de droit à un dîner mondain, une sarabande de situations dévoile le quotidien des personnages. Si bien que le lecteur se retrouve scotché à un kaléidoscope de croquis ciselés, d’observations aiguës, de rélexions de bon sens et de dialogues souvent crus.
Bref, un roman qui pourrait s’intituler "Le Sabbat", si Maurice Sachs ne s’était pas attribué le titre. Et un plaidoyer humaniste sans le dire, que pourrait éclairer le mot de Marie de Gournay, l’amie de Montaigne : "A Dieu ne plaise que je condamne ce que Socrate a pratiqué".
Histoire d’amour et de haine Charles Dantzig Grasset 480 pp., env. 21 €