Le "Poche" de la semaine : Deon Meyer, "Kobra"
Né en 1958 à Paarl (Afrique du Sud), Deon Meyer est aujourd’hui reconnu comme l’un des maîtres du suspense. Avant de se consacrer à l’écriture, il a eu plusieurs vies. Interview.
- Publié le 27-11-2015 à 09h02
- Mis à jour le 27-11-2015 à 09h03
Chaque vendredi, La Libre sélectionne un livre paru en format "Poche" et vous en propose la critique.
Né en 1958 à Paarl (Afrique du Sud), Deon Meyer est aujourd’hui reconnu comme l’un des maîtres du suspense. Celui qui a grandi dans une ville minière de la province du Nord-Ouest écrit en afrikaans. Mais c’est à partir d’une version anglaise que ses romans sont ensuite traduits dans près de trente langues à travers le monde. Avant de se consacrer à l’écriture, il a eu plusieurs vies : journaliste, rédacteur publicitaire, stratège en positionnement Internet. “Kobra”, son neuvième roman traduit en français, remet en selle l’inspecteur Benny Griessel, apparu pour la première fois dans “Le Pic du diable” (2007). Rencontre avec un maître ès intrigues.
Comment vivez-vous avec Benny Griessel, livre après livre ? Est-il un ami ? Un membre de votre famille ?
Ma relation à Benny est étrange. Il est désormais un membre de ma famille – parce qu’il est toujours dans les parages, soit dans ma tête, soit dans mes conversations. Ce qu’il y a de particulier, c’est que je ne peux saisir s’il est comme un frère ou comme un enfant avec moi.
Vous êtes traduit dans plus d’une vingtaine de langues. Percevez-vous des différences dans la manière dont on vous lit dans ces pays ?
Il y a plus de ressemblances dans la manière de me lire que de différences. Les lecteurs répondent aux personnages et à leur humanité avant tout. Et raconter une histoire est un langage universel.
D’où vient l’étincelle d’un nouveau livre : un événement, un lieu, l’envie de retrouver Benny ?
Pour moi, l’histoire concentre tout. Elle détermine les personnages que je mets en scène, les endroits, la texture et l’atmosphère du livre. Et les histoires ont besoin d’être développées, construites, brique après brique. Donc je suis toujours à la recherche d’idées ou d’éléments sur lesquels je peux baser mon intrigue. Ces idées ou ces éléments peuvent être dérisoires, depuis quelque chose que j’ai entendu au supermarché jusqu’à un article d’actualité.
L’Afrique du Sud est-elle une nouvelle place du crime financier ?
Non, nous connaissons ce type de criminalité depuis des siècles.
Dans “Kobra”, Tyrone, le pickpocket, vole pour des raisons “nobles”… Son oncle lui a appris une certaine “éthique”. Etait-il important que le lecteur voit en Tyrone un chic type ?
Pas nécessairement, mais je voulais que le lecteur l’apprécie. Parce que si le lecteur ne s’implique pas dans le combat de Tyrone, il n’y a pas de suspense.
Vos activités sont diverses et variées : direction et production de films, écriture de scénarios et de romans. Mais est-ce l’écriture qui prime ?
Oui, je suis d’abord et surtout un écrivain. C’est ce que je préfère par-dessus tout, c’est mon pain et mon beurre. Le reste, c’est pour m’amuser.
Pourquoi avoir choisi la veine du thriller ? Est-ce venu naturellement, était-ce un véritable choix ?
Je crois que c’était un choix naturel. Je suis tombé amoureux des thrillers à l’âge de quatorze ans, et quand j’ai commencé à écrire, la plupart de mes idées semblaient mener à cette veine. Maisj de temps à autre, j’ai besoin d’écrire quelque chose de différent, qui devient alors le plus souvent un scénario ou une nouvelle.
Le mensonge est un thème important dans “Kobra”, il est même nécessaire pour Benny Griessel. Parce que mentir peut libérer autant qu’avouer la vérité ?
Tout à fait. Le mensonge me fascine. Tous les êtres humains mentent. Et nous mentons pour d’intéressantes raisons – être aimé et accepté, s’enfuir après avoir assassiné quelqu’un, et tout ce qu’il y a entre ces deux extrêmes. Nous mentons si facilement, si naturellement, sans effort. Et ce faisant, nous nous compliquons la vie sans fin. Et il me semble que c’est ce qui contribue à faire une bonne histoire – une vie compliquée.
Benny Griessel est alcoolique. Un personnage est-il plus intéressant quand il affronte ses propres démons ?
D’abord et avant tout, j’espère créer des personnages qui sont humains parce que les lecteurs peuvent s’identifier à l’humanité, indépendamment de leur culture, de leur langue, de leur race. Mais c’est aussi parce que le conflit engendre le suspense. Et si un personnage est en conflit avec un rival, avec son monde et avec lui-même, le suspense augmente d’autant plus.
Vous avez d’abord été journaliste. Diriez-vous que devenir ensuite écrivain était assez naturel ?
Pas vraiment. Beaucoup de journalistes ne deviennent pas écrivains, et beaucoup d’auteurs de fiction n’ont jamais été journalistes. Mais le journalisme m’a beaucoup aidé pour mener mes recherches pour les livres, pour la construction d’un langage et la compréhension de la structure d’une histoire..
Deon Meyer, “Kobra”, traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Estelle Roudet, Points Seuil n° P4211, 494 pp.