Le "Poche" de la semaine : Shaffer & Barrows, "Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates"

L’on ne sait si son titre farfelu intrigue ou séduit, toujours est-il que “Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates” revient cet hiver paré d'habits neufs, la tradition des collectors étant désormais bien ancrées chez les éditeurs de collections de poches.

Geneviève Simon
Le "Poche" de la semaine : Shaffer & Barrows, "Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates"
©DR

Chaque vendredi, La Libre sélectionne un livre paru en format "Poche" et vous en propose la critique.

L’on ne sait si son titre farfelu intrigue ou séduit, toujours est-il que “Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates” revient cet hiver paré d'habits neufs, la tradition des collectors étant désormais bien ancrées chez les éditeurs de collections de poches. Ce titre, qui a déjà conquis un large public, on le doit à une ancienne bibliothécaire et libraire, Mary Ann Shaffer, décédée peu après avoir appris qu’un éditeur avait accepté le livre que sa nièce, Annie Barrows, elle-même auteur pour enfants, l’avait aidée à parachever.

Pendant la guerre, Juliet Ashton a réjoui les lecteurs du “Spectator” grâce à une rubrique traitant avec une certaine légèreté les mauvaises nouvelles qui ébranlaient le moral des Londoniens. Voulant profiter de sa notoriété, elle cherche un sujet de roman. Sans le savoir, un habitant de Guernesey va le lui fournir en lui révèlant être un membre du “Cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey”. De lettre en lettre, une toile d’amitié va se tisser entre la journaliste-écrivain et divers membres de cette petite société excentrique et bienveillante.

Arrêtés après le couvre-feu alors qu’ils venaient de partager un repas, des convives furent sauvés par le sang-froid d’Elizabeth McKenna qui prétendit sans trembler qu’ils revenaient d’une réunion littéraire. Ce subterfuge les sauva. Mais pour s’assurer une crédibilité, ils décidèrent de dévaliser la librairie Fox puis de se réunir régulièrement pour partager leurs lectures. Une tâche malaisée car la plupart n’avaient plus eu de livre en main depuis l’école. C’est donc quelque peu contraints qu’ils vont découvrir Shakespeare, Charles Lamb, Catulle, Sénèque ou encore Wilfred Owen. Et leur vie de s’ouvrir à une dimension nouvelle.

Dans la dynamique d’une forme épistolaire qui permet à chaque personne de s’incarner pleinement, le roman mêle subtilement humour et souvenirs douloureux de l’occupation de l’île. Des milliers d’enfants, dont des bébés, furent alors envoyés en Angleterre pour plus de sécurité. Elizabeth fut déportée à Ravensbrück pour avoir caché un travailleur esclave de l’armée allemande. Privée de ravitaillement, les habitants n’ont dû leur survie qu’aux patates et navets qu’ils cultivaient en secret. Mais cette période d’oppression fut aussi riche en actes de bravoure, des deux côtés du fusil. Cette réalité dramatique et ces êtres confondants d’humanité, Juliet les accueillera dans un même élan. Et le lecteur avec elle.

Mary Ann Shaffer & Annie Barrows , "Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates", 10/18, 411 pp.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...