Le nouvel envol de Carll Cneut
"La volière dorée", conte cruel, sort de la cage pour une débauche et d’élégance. Carll Cneut confirme son immense talent et traverse les pages avec aisance.
Publié le 20-12-2015 à 15h15 - Mis à jour le 21-12-2015 à 12h35
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"La volière dorée", conte cruel, sort de la cage pour une débauche et d’élégance. Carll Cneut confirme son immense talent et traverse les pages avec aisance.Après avoir été très remarqué à Bologne, comme la plupart des albums de Carll Cneut, voici "La volière dorée" en français, un rayon de lumière pour la fin de l’année, une débauche de beauté, de chatoiement, de finesse et d’élégance. Illustré magistralement par cet enfant de Flandre, cet héritier aussi de Jérôme Bosch, Breughel ou Gustaav Van de Woestijne, ce conte nous dit tout sur Valentina, l’insupportable fille de l’Empereur qui possédait pas moins de trois cent quatre-vingt-dix paires de chaussures, huit cent douze chapeaux et cinquante ceintures en peau de serpent. Mais cela n’était point suffisant car l’enfant, un tantinet capricieuse, affectionnait particulièrement les oiseaux. Voilà pourquoi son jardin comptait cent et une volières qui abritaient des volatiles aux plumages somptueux. Ne voulant ternir sa réputation, Valentina réclamait, comme il se doit, celui qui ne s’y trouvait pas : l’oiseau aux ailes de verre, l’oiseau au bec de corail, l’oiseau cracheur d’eau… Les serviteurs traversaient le monde au péril de leur vie pour satisfaire aux exigences de la demoiselle. Ils mouraient parfois en chemin, ce qui leur permettait au moins d’échapper à la décapitation. Car les têtes roulaient à l’empire de la cruauté.
Comme nous le confiait Carll Cneut lors de l’exposition qui lui fut consacrée à l’abbaye Saint-Pierre à Gand début 2015 (voir "La Libre Culture" du 14/4/2015), le projet de "La Volière dorée" était sur sa table depuis des années. Foisonnant, lumineux, il dévoile des plages entières d’oiseaux chamarrés, de perroquets, de mésanges, d’avocettes mais aussi d’espèces sorties de l’imagination de l’artiste. Alternant entre bronzes et argentés, entre nature et tranches de vie, ce grand illustrateur nous gratifie à nouveau de ces personnages exubérants, déformés, émouvants et tragiques dont il a le secret. Ils semblent traverser la page comme la rue, ne faire que passer, dans ce récit dont ils sont les personnages secondaires, pour nous interpeller par leur humble curiosité. De petites ou grandes gens, selon le regard porté sur eux dans cet opus où l’artiste fait une fois encore montre de son talent, son amour des clairs-obscurs, ses cadrages hors pages, ses variations de rythmes pour une vraie symphonie de couleurs. Le livre, en outre, est assorti d’un très bel album de coloriages, truffé d’oiseaux en tous genres, et pour enfants déjà d’un certain âge. Le coloriage revient au goût du jour et Carll Cneut, né en 1969 à Wervicq, petit village à la frontière belgo-française, voulait partager sa passion avec ses lecteurs. Une passion née de l’absence suite au décès subit et prématuré de son père. "Lorsque j’étais petit, tous les soirs, je dessinais des Mickey Mouse avec lui. Si je dessine encore aujourd’hui, c’est parce qu’il me manque", nous confiait-il à la visite de l’autobiographique "Carll Cneut. In my Head".
Rien de tel, pour compléter cet envol hivernal, que le livre documentaire "Beaux oiseaux". De l’albatros, qui joue à l’amiral des cieux à l’alouette interprète en passant par la colombe de la paix, l’ibis, ce joyau du Nil, ou ces "pinsons de tailles et de couleurs variées (qui) pourraient faire rosir d’envie les flamands aux longues enjambées", il y a de quoi devenir incollable sur le sujet grâce aux quarante espèces magnifiées par l’illustratrice Emmanuelle Walker.
La volière dorée C. Cneut et A. Castagnoli Pastel 49 pp., env. 22,50 €. Dès 5 ans
Beaux oiseaux J. Roussen&E. Walker Gautier Languereau 56 pp., env. 16,90 €. Dès 5 ans