Nicolas de Staël grandeur nature
Un ouvrage monumental explore et commente la vie et l’art d’un géant.
Publié le 30-12-2015 à 18h13 - Mis à jour le 31-12-2015 à 08h03
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Né Nicolaï Vladimirovitch Staël von Holstein en 1914 à Saint-Pétersbourg, Nicolas de Staël est mort à Antibes en 1955. Sa vie, comme un drame, aura déroulé ses jours de manière abrupte, du soleil au couchant. Emmenant avec lui femme et enfants, son père, haut gradé dans l’armée du tsar, fut contraint à fuir la sainte Russie alors que grondait la Révolution bolchevique. Mort, comme son épouse, sur la route de l’exil, il laissa orphelins un fils et deux filles qui furent d’abord recueillis en Belgique. C’est en France que Nicolas, dont la taille inspirait le respect, commit, en météore des arts, une œuvre d’une densité exemplaire.
Fut-il un peintre abstrait lorgnant vers la figuration ou un peintre de sujets rendus dans une veine abstraite ? La question demeure sous-jacente à tous les débats.
Un romantique exclusif
L’ouvrage de Guitemie Maldonado, étonnant par la taille et l’amplitude, nous brosse un portrait sous-tendu par les divers paramètres d’une existence qui a oscillé entre le désir de continuel dépassement de soi et la hantise de lendemains qui déchantent.
Carrière écourtée par le suicide à 41 ans, la fulgurance plastique de Staël n’aura cessé d’étonner, séduire et ravir. Ce constat ne fut pas sans engager des historiens à la réserve quant à la solidité du travail accompli. Fort heureusement, plus que jamais, c’est la stature de haut vol du peintre Staël qui émerge et, il y a dix ans, sa rétrospective du Musée d’Art moderne, à Paris, fit un triomphe. En dix années de lutte avec ses démons, son romantisme exacerbé, des amours contrariées, de Staël commit une œuvre riche de milliers de peintures, dessins et gravures.
La force du tempérament
L’auteure de cette fresque sans ambages passe le quotidien créateur de l’artiste au crible de ses aléas et de cette magnifique force d’appropriation qui lui permit de nous sortir une œuvre qui lui ressemble totalement. Que nous aurait-il offert s’il avait vécu plus longtemps ? Peu importe. Ce qui compte, c’est le bilan positif, émouvant et troublant, d’une décennie enlevée tambour battant. Qu’elles soient labourées de matière et de coups de brosse ou lisses comme en ses deux dernières années, référentielles ou simplement de pure plasticité, les peintures de Staël semblent dévorées par la force du tempérament, le tutoiement de ses pinceaux.
C’est tout le cheminement du peintre, de sa prime enfance à la maturité, avec ses drames, ses rencontres, ses amitiés, sa quête originelle, qu’explore un ouvrage qui chante les vibrations de la matière au travers de pages éblouies par la couleur.
Le papier, un peu trop brillant, ne nous semble pourtant pas révéler tout le suc profond du rendu pictural si particulier à Staël. Un simple regret. Cette publication monumentale reste un beau cadeau.Roger Pierre Turine