Le "Poche" de la semaine: Bernard Malamud, "Le meilleur"

Inédit en français, "Le Meilleur" de Bernard Malamud instille l’insatisfaction au cœur de la réussite. "Un roman de base-ball peu orthodoxe" selon les mots de Philip Roth, l’un de ses amis et héritiers.

Geneviève Simon
THE NATURAL 1984 DIRECTED BY BARRY LEVINSON Robert Redford Reporters / Rue des Archives
THE NATURAL 1984 DIRECTED BY BARRY LEVINSON Robert Redford Reporters / Rue des Archives ©Reporters / Rue des Archives

Chaque vendredi, La Libre sélectionne un livre paru en format "Poche" et vous en propose la critique.

Si, sous nos cieux francophones, la notoriété de Bernard Malamud (1914-1986) est moindre que celle de Saul Bellow (19015-2005), tous deux ont pourtant porté le roman juif américain à son meilleur, jusqu’à susciter la vocation d’héritiers, parmi lesquels Michael Chabon ou Don DeLillo, Cynthia Ozick ou Philip Roth. Ce dernier a d’ailleurs glissé un bel hommage à l’ami Malamud dans son autobiographique "Parlons travail" (2004). Romancier et nouvelliste, Malamud publie en 1952 "The Natural". Adapté au cinéma en 1984 par Barry Levinson (avec Robert Redford, ci-dessus), ce roman était resté inédit en français. Simultanément, paraît en format poche "L’Homme de Kiev", qui valut à son auteur le prix Pulitzer et le National Book Award en 1967.

Situé dans l’univers du base-ball, "Le Meilleur" met en scène un joueur du nom de Roy Hobbs. Classieuse et visuelle, l’écriture de Bernard Malamud nous pose aux côtés du jeune prodige dans le train qui l’emmène à Chicago, où une carrière prometteuse l’attend. Fébrile, trop sensible aux charmes féminins, Roy n’atteindra ni les vestiaires du club, ni les promesses de son destin. Quinze ans plus tard, la revanche est à sa portée dès lors qu’il rejoint la pâle équipe new-yorkaise des Knights, lanterne rouge du classement. Très vite, malgré ses trente-quatre ans, il en devient la star, attire la foule, intrigue les supporters, suscite la curiosité de la presse. Est-il pour autant satisfait de sa réussite ? Tout l’enjeu du livre est dans cette question. Ses exploits et sa réputation enviables ne le satisfont pas. De viles personnes sont à l’affût de ses faiblesses. Et ses ambitions de grandeur semblent toujours inaccessibles - être le meilleur, épouser la femme qui se refuse à lui. Bientôt, il perd pied, s’enfonce, écrasé par la frustration et la solitude. "Souffrir, c’est ce qui nous conduit au bonheur", lui glisse un jour Iris, qu’il pourrait aimer. Elle le sait, elle l’a vécu. Et lui reproche de ne pas se conduire en adulte.

Entre ombres et fatalité, avec un sens aiguisé du récit, Bernard Malamud interroge les mirages de l’American Dream. De l’impuissance à l’insatisfaction qui aiguisent le manque et empêchent toute jouissance. Sans oublier le désir, moteur infatigable, insatiable.

Bernard Malamud, "Le meilleur", traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, Rivages poche n° 872, 334 pp.

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