Alain Berenboom plonge dans Hong Kong un écrivain raté soupçonné malgré lui de meurtre
Publié le 06-02-2017 à 14h34 - Mis à jour le 05-02-2020 à 13h50
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Dans le nouveau roman d’Alain Berenboom, "Hong Kong Blues", le héros malgré lui, Marcus Deschanel, est un écrivain qui affirme à un moment qu’"écrire est ma façon habituelle de blanchir mes idées noires, de retrouver mon énergie". On peut dire la même chose quand on lit un roman de Berenboom. Il a le chic de nous faire passer un moment intelligent en y mêlant du suspense et de l’humour.
Dans "Hong Kong Blues", Marcus ne se remet pas de l’insuccès total de son dernier roman, "Une hirondelle ne fait pas le printemps". Son éditeur lui propose un récit de voyage passant par Hong Kong. Mais le séjour vire au drame car il s’y retrouve coincé et menacé. II a perdu son passeport, sans plus de sésame pour quitter la ville, et on retrouve ses papiers sur le corps sans vie d’une femme assassinée dans un bar.
Bien sûr, il devient le suspect numéro un. Il essaie de démêler l’intrigue avec l’aide d’une mystérieuse policière, Patricia, dont il tombe aussitôt amoureux, d’un avocat cher et inefficace et d’un consul qui ne lui apporte aucun secours. Et il voit son argent fondre au soleil de Hong Kong.
Ce volet policier est mené avec brio, multipliant fausses pistes et rideaux de fumée, prétexte aussi à nous balader dans cette ville-Etat, avec ses triades, ses policiers véreux, sa révolution des parapluies. Même être journaliste à Hong Kong est un métier à risque, lui dit-on, genre "opposant kurde en Turquie ou goûteur de sauces chez McDonald’s".
Peut-être le grand roman que Marcus Deschanel n’est plus capable d’écrire est-il là, dans l’histoire qui lui arrive ? Celle-ci est-elle d’ailleurs totalement vraie ou un peu rêvée ? Car, à côté de ses romans, Marcus fut journaliste près de Lille et y a bâti sa réputation en inventant des fausses histoires croustillantes autour de vrais faits divers. A Hong Kong, un interlocuteur lui dit : "Le mensonge est le seul moyen que nous avons trouvé pour que notre société ne s’effondre pas trop vite."
Pris au piège moite et kafkaïen de Hong Kong, sans comprendre ce qui lui arrive, Marcus a le temps de réfléchir à sa vie. D’abord à l’échec de sa carrière d’écrivain au-delà du succès de son premier roman. Et c’est depuis Hong Kong qu’il apprend la nouvelle ligne de son éditeur : "Il faut des histoires positives avec des personnages susceptibles de faire le buzz sur les réseaux sociaux. Des romans déclinés comme nos guides des plantes médicinales."
Il rumine aussi son échec sentimental. Juliette l’a traité un jour de "cabot fat et prétentieux". Kathryne vient de le quitter. Elle croyait en vain à en son talent de romancier. Sans le sou à Hong Kong, il pense à son bébé Gabrielle qui l’horripilait. Pourtant, c’est peut-être auprès d’elle, plus qu’à Hong Kong, que l’aventure se trouve. Il faut aller en Chine pour voir que les plages du Pas-de-Calais sont le paradis.
Roman gigogne, malicieusement construit, "Hong Kong Blues" est aussi un livre sur l’écriture elle-même et ses mensonges.
"Hong Kong Blues", Alain Berenboom, Genèse Editions, 317 pp., env. 23,50 €