Michel Tournier dans les étoiles
Publié le 27-03-2017 à 10h10 - Mis à jour le 27-03-2017 à 10h12
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Les grands romans de Michel Tournier entrent dans la Pléiade. L’occasion de relire "Vendredi ou les limbes du Pacifique", "Le Roi des Aulnes" et "Les Météores".
Il y a un an, mourait Michel Tournier sans avoir pu voir ses écrits dans la prestigieuse collection de la Pléiade. Il préparait cette sortie avec Arlette Bouloumié, la plus grande spécialiste de l’écrivain. Le voilà enfin consacré par un volume dédié à ses romans. Ses contes et nouvelles, plus discutés, formeront peut-être un second tome. C’est une joie de retrouver la trilogie qui a rendu Tournier incomparable : "Vendredi ou les limbes du Pacifique" (1967), "Le Roi des Aulnes" (1970) et "Les Météores" (1971). Il avait déjà 40 ans quand il écrivit "Vendredi", son premier roman, qui se vendit (sous la forme aussi de "Vendredi ou la vie sauvage") à 8 millions d’exemplaires. Une réécriture du mythe de Robinson qui commence par cette phrase : "Une vague déferla, courut sur la grève humide et lécha les pieds de Robinson qui gisait face contre sable."
Dans la foulée, il publiait "Le Roi des Aulnes" qui reçut le prix Goncourt à l’unanimité et se vendit à 4 millions d’exemplaires. Il y témoignait de sa passion pour l’Allemagne. Le titre est inspiré d’un poème de Goethe qui fut mis en musique par Schubert. Cette fois, c’est le mythe de l’ogre et du Petit Poucet qu’il reprend dans une Allemagne nazie en feu avec Abel Tiffauges. "L’Allemagne se dévoilait comme une terre promise, comme le pays des essences pures." A la fin du roman, Abel portant l’enfant sur ses épaules, s’enfonce dans le marais et "quand il leva pour la dernière fois la tête vers Ephraïm, il ne vit qu’une étoile d’or à six branches qui tournait lentement dans le ciel noir".
"Les Météores" surprirent les amoureux de Tournier. L’écrivain se plongeait dans le mythe de la gémellité, avec des personnages pataugeant dans la gadoue et les déchets. Tournier surgissait en réinventant le roman romanesque alors qu’il risquait de se perdre dans le vide du Nouveau Roman. Il osait créer des histoires métaphysiques, fort de son passé de philosophe, nourri de Nietzsche qui présentait l’homme comme "privé du sein maternel du mythe". Chez Tournier, cette recherche spirituelle est associée au plus grand réalisme moderne. Si le contenu renvoie au monde des origines mythiques, il inverse les mythes et parle de Vendredi plutôt que de Robinson, pour écrire un grand roman écologique. Il fait cohabiter le ciel et l’enfer, la grâce et la scatologie. "Lucifer imite Dieu à sa manière qui est grimace", disait-il.
En même temps, Tournier a une écriture jouissive, teintée d’humour. Rencontré dans son presbytère de Choisel, il nous disait qu’il voulait qu’on écrive sur sa tombe : "Je t’ai adorée, tu me l’as rendue au centuple, merci la vie !"
Romans, suivis par "Le Vent Paraclet", Michel Tournier