Le poche de la semaine: "Le Vieux Saltimbanque" de Jim Harrison

Geneviève Simon
Le poche de la semaine: "Le Vieux Saltimbanque" de Jim Harrison

Chaque vendredi, La Libre sélectionne un livre paru en format "Poche" et vous en propose la critique.

Contrairement à ce que proclame la jaquette, "Le Vieux Saltimbanque" n’est pas le dernier livre de Jim Harrison. Lors de sa parution aux Etats-Unis en mars dernier, cette novella ("The Ancient Minstrel") était accompagnée de deux autres ("Eggs" et "The Case of the Howling Buddhas") dont on peut penser - parce qu’elles ont déjà été traduites par Brice Matthieussent - qu’elles seront publiées d’ici peu. Sans doute une manière pour Flammarion de garder dans ses tiroirs des cartouches d’intérêt.

Sous couverture

"J’ai décidé de poursuivre mes Mémoires sous la forme d’une novella. A cette date tardive, je voulais échapper à l’illusion de réalité propre à l’aubiographie." Ainsi s’exprime Jim Harrison à l’entame du "Vieux Saltimbanque". Car l’auteur de "Légendes d’automne" et de "Dalva", disparu le 26 mars dernier, avait déjà livré ses Mémoires avec "En marge" (Bourgois, 2003). Ici donc, il s’exprime sous couverture - le personnage se nomme le Poète - dans un texte écrit à la troisième personne. Jusqu’où nous livre-t-il ses souvenirs, jusqu’où va-t-il dans l’affabulation ? Cela importe finalement peu chez un auteur qui, parce qu’il avait à cœur de ne jamais dire deux fois la même chose à deux journalistes lui posant la même question, avait déjà pris des latitudes avec sa "vérité".

On retrouve pourtant traits et faits saillants de son existence. Les petits boulots de forçats payés 80 cents de l’heure. Sa passion pour la pêche à la mouche. Sa tendance à la dépression. Son expérience malheureuse à Hollywood. Ses voyages. Sa vocation née de la lecture, à quatorze ans, de John Keats. Sa délectation pour la bonne chère et le bon vin. Ce qui intrigue, c’est cet épisode où, sur un coup de tête, le Poète achète une truie (on connaît son attachement aux animaux ayant mauvaise réputation) sur le point de mettre bas. Et, curieusement, dès que le Poète se met à élever les porcelets, toute idée de roman disparaît de son esprit.

"Il se sentit vexé mais il savait très bien que, dans leurs moments de faiblesse, les écrivains avaient toujours cherché des fondements philosophiques à leurs création. Dans son cas, tous ces prétendus fondements étaient franchement risibles." (extrait)

L’on retrouve avec joie un Jim Harrison provocateur et truculent, mais aussi tendre et esclave du langage, dans ce qui se lit aussi comme son testament littéraire. "On a souvent dit que les biographies présentaient de singulières ressemblances. Ce sont nos rêves et nos visions qui nous séparent. On n’a pas envie d’écrire à moins d’y consacrer toute sa vie."

Jim Harrison, "Le Vieux Saltimbanque", traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent, J'ai Lu n° 11845, 158 pp.

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