Suzanne Spaak, cette héroïne belge méconnue qui a sauvé des dizaines d’enfants juifs
- Publié le 04-04-2018 à 15h48
- Mis à jour le 04-04-2018 à 15h49
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L’historienne américaine Anne Nelson s’est intéressée à cette résistante trop peu connue chez nous.C’est en travaillant sur les archives de l’Orchestre rouge et sur son chef, Leopold Trepper, qu’Anne Nelson qui enseigne à la Columbia School of International and Public Affairs, a découvert peu à peu la vie peu commune de Suzanne Spaak, épouse de Claude et belle-sœur de Paul-Henri. Et par ailleurs belle-fille de Marie Janson-Spaak, première sénatrice belge dès 1921 alors qu’elle n’avait pas pu voter elle-même !
Suzanne aurait pu s’enliser définitivement dans les délices d’une vie bourgeoise sans trop d’histoires mais elle devait jouer un rôle important dans la résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.
Elle fut ainsi à la base du sauvetage de dizaines d’enfants juifs des griffes des nazis et de leurs séides du régime de Vichy. Force est de le constater : nul n’est prophète en son pays et dès lors sa vie héroïque est finalement peu connue, y compris en Belgique. C’est ce qui a amené l’historienne américaine mais aussi journaliste, pour ne pas dire correspondante de guerre sensibilisée à la lutte contre les dictatures sur le continent latino-américain, à s’immerger dans son passé.
Ce ne fut pas une tâche aisée car à part quelques mentions et allusions disparates, il n’existait pas de biographie de Suzanne, née Lorge en 1905 dans une famille de la haute bourgeoisie catholique belge qui allait unir sa destinée à celle de la famille Spaak.
La chance d’Anne Nelson fut de pouvoir encore rencontrer plusieurs membres de la famille dont notamment ses enfants Lucie (Pilette) et Paul-Louis (Bazou) mais aussi Antoinette Spaak et puis aussi plusieurs "enfants cachés" qui eurent la vie sauve grâce à la résistante qui mit sa propre existence en péril au nom de ses valeurs altruistes. La chercheuse de la Columbia University s’immergea dans l’intéressante bibliothèque de son Alma Mater mais trouva aussi de bonnes pistes à la New York Library et dans divers fonds d’archives relatifs à la Seconde Guerre mondiale.
Suzanne Spaak avait suivi son mari Claude qui entendait réorienter sa carrière en France mais, pendant les années trente, elle se mobilisa déjà aussi chez nous pour les républicains espagnols ainsi que pour les réfugiés juifs qui vinrent notamment s’installer en Belgique face à la montée des périls dans et aux alentours du Troisième Reich.
Cela l’amena par exemple à être très proche des Sokol, une famille juive polonaise qui la "boosta" pour développer des actions de solidarité à Bruxelles avant de les poursuivre dans l’Hexagone. Et ce face à la grande indifférence des Français qui succombèrent aussi aux messages d’exclusion du pouvoir pétainiste.
Suzanne Spaak s’impliqua de plus en plus après la rafle du Vél d’Hiv qui, le 16 juillet 1942, avait débouché sur l’arrestation de plus de treize mille Juifs. Elle n’hésita pas à s’appuyer sur sa fortune et sur son prestige social pour développer de véritables réseaux de sauvetage dans la capitale française. Mais elle montra surtout que contrairement aux idées reçues, une femme pouvait aussi prendre en charge un réseau de résistance…
Fusillée le 12 août 1944 après avoir été torturée et incarcérée à la prison de Fresnes, non loin de Paris, Suzanne Spaak a depuis lors été honorée par Israël comme "Juste parmi les nations". Mais son engagement fut réellement universel. "Suzanne Spaak, marginale comme elle l’était avec sa petite armée de compagnons, appartenait à une catégorie à part", explique Anne Nelson à la fin de son ouvrage. "Elle était capable de voir et de servir ‘l’autre étranger’ car dans son regard lucide, aucun humain n’était étranger ou autre. Pour elle; une seule vérité comptait : il faut faire quelque chose."
Un message encore d’une grande actualité en cette période troublée…
La vie héroïque de Suzanne Spaak. Paris 1940-1944, l’audace d’une femme face à la barbarie nazie Anne Nelson Traduit par Pierre Reignier Robert Laffont / 379 pp.env. 21 €