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L’adaptation en BD du roman de Françoise Sagan est une réussite esthétique. Rencontre avec l’auteur Frédéric Rébéna et le fils de Françoise Sagan.Le cinéma français s’est très souvent attaqué à l’adaptation cinématographique de bandes dessinées à succès. Les réussites en la matière sont rares. Par contre, l’adaptation en bande dessinée d’un roman compte plus de succès. Celle de "Bonjour tristesse", le roman phare de l’œuvre de Françoise Sagan (1954), par Frédéric Rébéna, est une réussite. Tant sur le plan esthétique clairement que sur la fidélité au roman de Sagan. Comme une manière de découvrir ou de redécouvrir cette histoire bourgeoise qui traverse les époques. Que ceux qui n’ont pas aimé le livre passent leur chemin. Pour ceux qui ne connaissent pas Sagan et qui voudraient tenter une approche en douceur, voilà sans doute une porte d’entrée confortable.
"Bonjour tristesse", c’est l’histoire de Cécile. Cécile sort de l’adolescence, elle découvre son corps. En vacances avec son veuf de père et sa jeune maîtresse, elle voit arriver dans la vie de son paternel, Anne. Une ancienne amie de sa mère, plus mûre, plus sûre de ses désirs. Malgré la présence de la jeune maîtresse, Anne prend possession de la vie de Raymond, le père de Cécile.
S’attaquer à l’œuvre de Françoise Sagan, pour Frédéric Rébéna, c’était un vrai défi qui a généré de l’angoisse. "C’est l’éditeur qui m’a proposé d’adapter le roman. Je suis passé par la gamme de toutes les sensations. J’ai été un moment complètement épouvanté. Je ne pense pas avoir fait une adaptation servile. Ce n’est pas un récit illustré. La liberté qui m’était octroyée m’a permis d’amener certaines choses. Mais il y avait chez moi un désir évident de respecter l’œuvre et d’en faire une adaptation courtoise."
Denis Westhoff, le fils de l’auteur, qui veille scrupuleusement sur l’œuvre de sa mère, est manifestement satisfait de l’adaptation BD. "C’est un regard différent, une liberté supplémentaire. J’ai tout de suite dit oui. Je trouve qu’une œuvre de création est faite pour être vue, lue et adaptée. Elle sert à inspirer les gens. C’est un sujet qui dépasse les frontières du temps. C’est un regard de Frédéric qui vient se poser 64 ans après la sortie du roman."
On peut se demander pourquoi cette histoire dépasse les époques. "Il y a plusieurs raisons, explique Denis Westhoff. C’est un livre qui a touché toute une génération de jeunes filles. Certains thèmes abordés dans le livre comme l’indépendance et la liberté sont encore d’actualité. Le côté révolté de Cécile est aussi quelque chose d’actuel. La liberté est un thème qui ne vieillit pas. Nous sommes dans une époque où il y a de plus en plus de barrières et de rigueur et de moins en moins de liberté. Ces personnages sont susceptibles de faire rêver."
S’il était question à un moment de transposer cette histoire à l’époque actuelle, Frédéric Rébéna a préféré rester dans les années 50. "Je me la suis posée, cette question, mais je trouvais que ça n’apportait rien. Je n’ai pas voulu poser le stylisme trop loin en marquant une époque. Je n’ai pas voulu faire un inventaire nostalgique de cette époque, même si au niveau du mobilier, par exemple, on voit des choses. Mais je n’étais pas dans une logique d’inventaire, j’étais dans une logique d’évocation avec un plaisir de souplesse. Je ne voulais rien imposer au lecteur, juste lui suggérer."
Après cette expérience de deux ans passés avec les personnages de Sagan, Frédéric Rébéna se dit prêt à repartir pour l’adaptation d’un roman. Et pas forcément de Françoise Sagan.
"Bonjour tristesse" succède notamment à l’adaptation au cinéma, d’Otto Preminger (1958) avec Jean Seberg. Un film qui n’avait pas plu à la romancière : "Elle n’avait pas aimé, c’est un film qui était beaucoup trop américain. Elle n’y avait d’ailleurs pas participé", conclut Denis Westhoff.
Bonjour tristesse Frédéric Rébéna, d’après Françoise Sagan Rue de Sèvres 104 pp., env. 18 €