Jean Harlow détruite par le succès de ses seins exultants
Publié le 22-05-2018 à 12h21 - Mis à jour le 22-05-2018 à 20h46
Le nom de Jean Harlow n’est plus guère connu des générations d’aujourd’hui. Sa célébrité préfigura pourtant celle de Marilyn Monroe qui avait dix ans lorsqu’elle mourut en 1937, plongeant les studios de Californie dans le désarroi. Avec ses cheveux d’or et un physique tout en douceur, elle était née comme un cadeau des fées pour son dentiste de père et une mère à l’amour d’autant plus étouffant qu’elle lui fit porter les manques liés à la rupture de son couple. A 13 ans, elle tournait la tête aux garçons, sa beauté dissuadant sa scolarité d’attentes plus conformes. A 16 ans, en quête de liberté, elle se mariait sur un coup de tête pour divorcer presque aussitôt et se voir affublée d’un beau-père peu résistant, avant de la ruiner, aux atouts qui la feront détester par les femmes et désirer par les hommes : des seins glorieux et une chevelure platine qui firent se cligner d’indignation les yeux du pape Pie XI.
Elle rêva de cinéma où personne ne l’attendait mais où Howard Hugues, la découvrant en socquettes d’adolescente appuyée au camion d’un marchand de glaces, en tombe amoureux et la fasse tourner dans son premier film parlant, "Les Anges de l’enfer". Sa sexualité fit des vagues. La MGM lui signa un contrat et Mayer, la livrant aux coiffeuses et maquilleuses, lui construisit une légende - des seins et pas de cervelle - en laquelle elle ne se reconnaissait pas, formatée à l’égal d’un Faulkner ou d’un Fitzgerald lorsqu’on fabriquait aux normes du succès des dialogues tirés de leurs livres. Argent. Luxe. Mariages. Amants. Scandales mais contraintes et solitude… Qui envie la vie des stars ?
Amoureux et impuissant, son second mari la battit avec une rage frustrée avant de se suicider, la livrant à des potins d’éventuelle culpabilité. Dans l’espoir d’un enfant qu’elle ne pouvait avoir, elle multiplia les liaisons, se laissant peu de temps pour reconnaître l’amour dont l’entoura le gentil William Powell. Malade, la peau brûlée par les feux des projecteurs, les reins détruits par les coups, elle fut retardée de soins médicaux nécessaires par les croyances religieuses absurdes de sa mère. Sa mort à 26 ans ouvrit les vannes de nouvelles rumeurs et émut la tirelire de ses producteurs. Clark Gable, son partenaire le plus constant, fut triste. George Gershwin aussi, venu voir un mois avant sa propre mort cette femme broyée par l’emprise des autres sur sa beauté et sa liberté.
D’une écriture flamboyante bien que parfois alambiquée, Régine Detambel nous attache au destin hors normes d’une femme tant convoitée, manipulée et conditionnée qu’elle s’y perdit. Comme quoi, l’oppression n’a pas d’âge et ne se limite pas au seul harcèlement sexuel.
"Platine", Régine Detambel, Actes Sud, 195 pp., 16,50 €