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Cadène et Gaultier remettent au goût du jour l’histoire de Xavier de Hauteclocque. Le reporter français a été assassiné par les nazis.Comparaison n’est jamais raison et même si les similitudes que notre époque cultive avec les années 30 sont parfois troublantes, l’Histoire est simplement un moyen de, peut-être, comprendre le présent. En s’attaquant à "La tragédie brune", Thomas Cadène et Christophe Gaultier remettent au goût du jour les articles publiés sous ce nom, en 1934, par le reporter français Xavier de Hauteclocque.
Le journaliste, cousin du maréchal Philippe Leclerc (de Hauteclocque) fut le premier à tenter d’alerter le monde sur la montée du nazisme en Allemagne et sur tout ce que cela pouvait engendrer comme risque. Fin connaisseur de la société allemande de l’entre-deux-guerres, Xavier de Hauteclocque sera surpris à chaque voyage outre-Rhin par l’évolution rapide des mentalités et la soumission de plus en plus évidente à ce régime totalitaire qui s’installe. Peu de temps après la publication, en avril 1935, il meurt empoisonné par la Gestapo. Preuve s’il en est que le régime hitlérien n’appréciait pas les écrits de ce journaliste désormais presque oublié. Un homme qui, par ses reportages, épousait la citation célèbre d’un de ses grands confrères, Albert Londres : "Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie."
Le récit de Cadène et Gaultier suit donc les pérégrinations de Xavier de Hauteclocque retournant en Allemagne six mois après y avoir réalisé un reportage qui pointait déjà les dérives du nazisme. Mais, cette fois, les personnes qui lui répondaient encore six mois plus tôt, ne veulent plus le rencontrer. On est même sans nouvelles de certains d’entre eux. Les esprits ont fortement changé en quelques mois et il n’est pas bien vu, c’est un euphémisme, de discuter avec ce journaliste.
Le nazisme est en train de s’imposer partout, dans toutes les strates de la société. Les juifs deviennent, plus encore qu’avant, des parias et les élections qui s’annoncent sont cousues du fil blanc. En arrivant à Berlin, de Hauteclocque tombe d’abord sur un chef de cellule de quartier du parti nazi. Il harangue la foule. Ceux qui, le 12 novembre, ne voteront pas pour Hitler seront des traîtres à leur patrie. Ils n’auront d’autre choix que de quitter l’Allemagne. Les Allemands perdent leurs libertés, progressivement. Certains qui ont laissé faire, s’en accommodent et considèrent qu’Adolf Hitler est bien l’homme de la situation. Nous sommes en 1934. Les atrocités dont tous se souviennent encore aujourd’hui ne font que commencer.
Le journaliste entend aussi parler des premiers camps de concentration. Il tente d’ailleurs de s’en approcher pour voir, de ses propres yeux, la manière dont le régime traite ceux qui ne sont pas d’accord avec lui.
"La tragédie brune" est une BD qui vaut assurément la peine. A la fin de l’ouvrage, le lecteur pourra retrouver une série d’articles issus de l’ouvrage de Xavier de Hauteclocque. Une manière de se replonger dans la prose d’un journaliste qui faisait juste son métier et qui en paya un prix très lourd.
La tragédie brune Thomas Cadène et Christophe Gaultier Les Arènes BD 126 pp., env. 20 €
