Les brèves rencontres de Michel Lambert
Publié le 29-05-2018 à 15h54 - Mis à jour le 29-05-2018 à 15h55
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Un réalisateur confronté au passage du temps et aux incertitudes de la création.Inquiet. Tel apparaît, dès la première phrase, le narrateur du récent roman de Michel Lambert - "L’Adaptation" : "La peur du film en trop m’est venue un soir d’automne." Cinéaste, il est dans les incertitudes de la préparation d’un film adapté du roman "La Jeune Fille brune" d’Alexandre Tisma dans lequel il va bientôt se retrouver en une sorte de jeu de miroirs autour du passage du temps et de la nostalgie d’émotions que l’on ne revit jamais de la même façon. Le thème a souvent été exploré par Michel Lambert, notamment dans ses nouvelles. Mais là, ses personnages semblent refléter des inquiétudes auxquelles on ne le sent vraiment pas étranger. Ne faut-il pas savoir s’arrêter à temps ? Où trouver et comment traduire les couleurs des ciels que l’on porte en soi ? La fiction et la confidence ont à l’évidence des affinités qui ne doivent pas grand-chose au hasard et s’allient en une justesse bouleversante.
En quête des lumières accordées à ses humeurs et à ses rêves, le réalisateur du film croise une vague artiste dans une galerie d’art où il cherche l’inspiration. Elle est, comme lui, solitaire mais plus jeune. Elle s’appelle Betty. Sans trop de tergiversations, il l’emmène à l’hôtel et, au bout d’une nuit torride qui les aimante l’un vers l’autre, elle disparaît sans qu’il puisse oublier l’intensité des moments de brève rencontre qu’il vient de vivre. L’obsession qu’il a de la revoir évolue, dès lors, en parallèle avec la réalisation de son film en lequel il découvre un copié-collé de sa fulgurante passion amoureuse.
Sur cette amorce, Michel Lambert évoque, avec autant d’empathie que de pudeur, les interrogations qui ébranlent un homme à l’âge où il redoute de ne plus pouvoir être ce qu’il a été mais entend se prouver qu’il existe encore. Il le confronte aux multiples difficultés de la création, aux nuances d’amours diverses, au contexte terroriste de l’époque, à la reconquête du fils dont il vivait séparé, aux doutes des collaborateurs qui se détournent de lui… A la peur et aux incertitudes. A la nostalgie et aux doutes. Est-il aussi fini qu’on le murmure parfois autour de lui ?
En dépit d’un rythme un peu lent, le livre transpire d’une grâce délicate. Michel Lambert est un visuel qui joue en impressionniste des couleurs d’une atmosphère ou d’un sentiment. Il est aussi un réaliste, attaché aux détails du quotidien et capable de suggérer un fou rire avec un tel pouvoir de vérité que le lecteur se trouve lui-même pris par la contagion. En racontant les désarrois d’un homme face au temps qui va et à ses fragilités, il puise aux peurs et au tragique de la vie mais aussi à ces frémissements de beauté et d’émotion qui en font l’humanité. Et lui apportent, sous les grisailles, quelques touches de lumière.
L’Adaptation Michel Lambert Pierre-Guillaume de Roux 260 pp., env. 20 €