"Si" : Le désarroi d’une maman confrontée à l’annonce que son petit garçon est atteint d’un cancer grave
Publié le 04-06-2018 à 16h11 - Mis à jour le 04-06-2018 à 16h12
Lise Marzouk et son lourd combat au long de la maladie de son petit garçon.
Mais qu’est-ce qui fait qu’on lit ce livre-là ? Que l’on y entre ? Et que l’on s’y accroche au-delà d’une première page pour le moins rebutante ? Tout de suite, en effet, on s’y fait mal, tant les faits et la souffrance qui s’inscrivent là sont insupportables. On continue pourtant à lire, fasciné, happé par le désarroi d’une maman qui se voit confrontée à l’annonce intimement redoutée que son petit garçon de dix ans, au nom solaire de Solal, est atteint d’un cancer grave. La seule espérance à laquelle il lui est donné de s’accrocher tient en un traitement long, douloureux, destructeur, incertain. Les médecins ne font pas dans l’édulcoration. Urgence oncologique. Lise est elle-même d’une famille de médecins. Elle est aussitôt assaillie d’images d’épouvante, de pensées incontrôlables, de questions sans réponse, de difficiles décisions à prendre… On ne peut pas, on ne veut pas, la lâcher dans l’épreuve. On est saisi d’une empathie instinctive pour cette femme et son impuissance à pouvoir aider son fils autrement que par sa présence à ses côtés et ce que lui soufflera son amour de mère.
Elle a deux autres enfants, plus jeunes et si vivants, et un mari, Olivier, qui prend sa part du drame. L’ensemble de la famille est vite concerné. Il faut annuler les vacances proches au Maroc. Il faut aménager une double vie : celle de l’hôpital, celle à la maison. Les grands-parents sont sollicités. Dès que Solal est hospitalisé, - "Il existe des traitements à l’Institut Curie" - Lise passe ses journées auprès de lui, laissant les nuits au père. Elle veut regarder en face la violence faite à son enfant. Les soucis quotidiens lui deviennent secondaires ? L’unité familiale résistera-t-elle ? "Nous allons gagner", rassure-t-elle, se forçant à y croire, Nils et Anna interrogeant : "Et si on ne le guérit pas ? - Il n’y a pas de si", répond-elle. Investigations, chimiothérapie, vomissements, opération, tuyaux, ponctions lombaires, douleurs, faiblesse, perte de cheveux… La trajectoire, jalonnée de mots rébarbatifs, ne sera pas légère si l’on veut, éventuellement, entrevoir une guérison.
"Tu ne te dis pas des fois que tu aurais aimé avoir un autre petit garçon à ma place ?…. Qui ne soit pas malade ?….. Qui ne risque pas de…" Non, elle n’aurait pas voulu. Lise aime et donne tout. Elle s’attache au présent et l’équilibre qu’elle y trouve lui donne un peu d’assurance. Elle a parfois envie de crier mais ne larmoie pas. On lui donne la main. On lit. On n’aime pas ce qu’on lit mais on s’émeut avec elle d’entendre rire ou pleurer son fils. Elle est lucide, volontaire, intuitive. Fragile mais forte.
Philippe Forest avait déjà évoqué pareille épreuve dans son très bouleversant "L’enfant éternel" qui relatait la mort de sa petite fille de quatre ans. Lise Marzouk y va d’une double voix. La sienne, subjective, qui subit, réagit, s’emporte, se contredit. Et puis, l’autre voix, plus objective mais toujours la sienne, qui raconte les faits en les circonstanciant, en prenant de la distance, en les inscrivant dans le contexte. Porté par le rythme nerveux de phrases souvent courtes, le récit se révèle d’une poignante humanité. Douloureux mais digne. Vibrant, hurlant, amer quand les gens se montrent lâches, questionnant l’inconnu. Vivant. Et si on lui serrait la main en définitive à Lise Marzouk ?
"Si", Lise Marzouk, Gallimard 315 pp. env. 21 €