Frank le disquaire, une oreille à l’écoute de tous
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Publié le 12-06-2018 à 14h01 - Mis à jour le 13-06-2018 à 14h44
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Dans le Londres des années 80, alors que le CD débarque en force, Frank fait de la résistance. Les clients de son magasin viennent chercher du réconfort. Et le trouvent.
En 1988, alors que les ventes des CD dépassent celles des vinyles, Frank refuse de succomber à la mode. Depuis 1974, il tient un magasin de disques - avec un fond de milliers deréférences, allant des 45 tours aux 33 tours, en passant par des pièces de collection. Cette caverne d’Ali Baba se situe dans une impasse pourrie de Londres, Unity Street, entourée d’autres magasins brinquebalants - menacés par un projet immobilier. Il y a Maud et ses tatouages, le père Anthony et ses articles de foi, M. Novak, le boulanger, les frères Williams et leur salon funéraire, Pete le barman. Kit, 18 ans, assiste Frank : il est aussi volubile que son patron est taciturne.
"The Music Shop" - dont on préférera le titre original à sa traduction française, "Si on chantait" - est le quatrième roman de Rachel Joyce, auteure du best-seller "La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry". Dans sa nouvelle livraison, ce sont des morceaux de musique qui modifient le cours de l’existence de ses héros. Choisis par Frank, le personnage principal, auquel on s’attache très rapidement, ours mal léché, handicapé des sentiments, qui aurait voulu être un homme sachant dire "je t’aime", mais qui, craignant tellement d’obtenir ce qu’il désire, fait tout pour l’éviter.
Peg, sa mère, l’a initié à la musique grâce à l’écoute de classiques - les chapitres en flash-back nous invitent à partager ses leçons. "La musique faisait partie de lui, il avait été élevé comme ça. C’était la seule chose qu’il connaissait vraiment, lui qui avait toujours été nul à l’école." Jusqu’au jour où "il avait pris plusieurs centimètres d’un coup et ses cheveux aussi. il avait désormais ses propres goûts musicaux." En 1977, Frank était le seul disquaire à 30 km à la ronde à accepter de vendre le fameux "Never mind the bollocks" des Sex Pistols.
Quelques habitués viennent chercher des nouveautés, mais la plupart hante le lieu dans l’attente d’autre chose. Une sorte de réconfort, d’écoute, une "oreille". Car Frank possède un don, "il aide les gens à trouver leur musique". Un client n’aime que Chopin ? Il ressort avec un disque d’Aretha Franklin.
Le jour où une femme fait une syncope devant le magasin, les riverains accourent pour la secourir. Elle s’appelle Lisa Brauchmann, porte un manteau vert et, toujours, des gants. Entre elle et Frank s’ébauche une relation toute platonique, Frank se dérobant plus que de raison. Alors que tout semblait plié, la face D et le morceau caché relancent, 20 ans plus tard, l’histoire interrompue abruptement. Le vinyle a plus que jamais la cote même si Internet est passé par là, répandant la musique virtuelle vers l’infini et au-delà.
Difficile, à la lecture, de ne pas penser à "Haute fidélité" de Nick Hornby mais "Si on chantait" s’en écarte assez vite. Voici un "feel good book", pour tous les amateurs de musique, qui restent attachés à son pouvoir de résilience.
- Si on dansait… | Rachel Joyce | traduit de l’anglais par Rémi Bonnard | XO Editions | 358 pp., 19,90 €. Accédez à la Playlist Deezer en cliquant ici.
EXTRAIT
"Mais ne vous méprenez pas, Maud savait très bien que Frank n'était pas amoureux d'elle. Son problème, à Frank, c'était son empathie universelle. Il semblait pouvoir encaisser toutes les mauvaises nouvelles du monde. Sa boutique était toujours emplie de gens qui, s'ils n'avaient pas été là, auraient erré dans les rues ou pleuré dans leurs petits appartement. Le pire, c'était les femmes. Des filles anorexiques, des mères célibataires, des femmes battues. Frank était tellement occuper à aimer les autres qu'il était incapable d'envisager que quelqu'un puisse l'aimer en retour."