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A 77 ans, le cinéaste américain livre un thriller politico-sexuel référentiel.Belle pioche pour Rivages Noir avec "Les serpents sont-ils nécessaires ?", premier roman à 77 ans de Brian De Palma. Ou plutôt ce que l’on pressent comme la mise en roman d’un film que le cinéaste américain n’a jamais pu tourner. Pour l’aider à dépasser le stade du simple script, De Palma a fait appel à Susan Lehman, journaliste au "New York Times". L’écriture reste cependant plus cinématographique que littéraire, avec ces personnages choraux dont les destins s’entremêlent et un style très efficace : paragraphes brefs, chapitres courts… Tandis que l’intrigue, menée tambour battant, avance essentiellement à travers les dialogues. Des dialogues vifs, souvent crus, dont l’oralité claque juste, comme s’ils avaient été écrits pour être dits par des acteurs.
Thriller politico-sexuel, "Les serpents sont-ils nécessaires ?" met en scène Barton Brock, le spin doctor d’un sénateur démocrate de l’Ohio en campagne pour sa réélection, que suit de l’intérieur une jeune vidéaste avec qui le politicien entretient rapidement une relation intime. Coups tordus politiques, relation incestueuse entre information et communication… Le roman semble a priori plus proche de "House of Cards" que de "Blow Out" ou "Scarface". Mais ce serait s’en tenir uniquement à l’écume de l’intrigue, assez simpliste et déjà vue.
Pour profiter réellement des "Serpents sont-ils nécessaires ?", il s’agit en effet d’être familier de la filmographie de Brian De Palma. On retrouve en effet dans ce roman tous les thèmes qui traversent son cinéma : voyeurisme, dédoublement, changement d’identité… Comme à l’époque d’"Obsession" (1976), "Blow Out" (1981) ou "Body Double" (1984) ou même dans son dernier film "Passion" en 2012, De Palma revient à nouveau ici à la source de son inspiration, à son maître absolu : Alfred Hitchcock. Et à nouveau, il se tourne vers le "film parfait" selon lui : "Vertigo" ("Sueurs froides") en 1958.
"Les serpents sont-ils nécessaires ?" peut en effet être entièrement lu comme une relecture contemporaine du chef-d’œuvre d’Hitchcock avec James Stewart et Kim Novak. Dans le roman, un photographe suit d’ailleurs le tournage à Paris d’un remake français de "Vertigo" (tiré de "D’entre les morts" de Boileau-Narcejac), où la tour Eiffel remplace le clocher de la mission San Juan Bautista près de San Francisco… Soixante ans après Hitchcock, De Palma - qui dit s’être inspiré de l’affaire Weinstein - offre, ceci dit, une conclusion beaucoup plus féministe. Mais, comme son maître, il parvient à maintenir le suspense jusqu’à la dernière page…
Les serpents sont-ils nécessaires ? Brian De Palma et Susan Lehman traduit de l’américain par Jean Esch Rivages Noir 332 pp., env. 16 €