L’étrange voyage d’une famille allemande
Publié le 25-06-2018 à 18h29 - Mis à jour le 25-06-2018 à 18h30
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Nina voulait partager un million de minutes avec son père. Wolf Küper a répondu oui, privilégiant le temps à l’argent. "Un million de minutes, c’est long. Mais tout dépend de ce qu’on en fait. L’Allemand Wolf Küper en a fait une aventure. Une aventure de vie qui fut surtout pour lui, sa femme et ses deux jeunes enfants, un voyage de reconnaissance mutuelle et pour chacun un voyage intérieur autant qu’extérieur. Le livre qu’il en a publié - traduit de l’allemand par Rose Labourie - s’appuie sur le journal de bord qu’il a tenu durant ce périple. C’est donc une histoire vraie faite de visions et d’impressions immédiates.
Expert auprès des Nations unies où il diffusait des publications aux résultats impalpables, Wolf Küper gagnait très confortablement sa vie et avait un brillant avenir devant lui. Il se fait qu’il avait aussi une petite fille pour laquelle mieux valait ne pas avoir de conceptions trop rigides de la normalité. D’une lenteur à tout faire qui créait entre elle et les autres enfants un fossé gigantesque, Nina ne se conformait pas aux règles mais avait, en revanche, une imagination débordante. Son état spécifique aux yeux du docteur Finkelbach, psychologue à la renommée étayée de multiples diplômes, sollicitait une attention particulière très opposée à la carrière internationale de son père. Un soir, alors que celui-ci, toujours très pressé par le temps, se dérobait à prolonger l’histoire qu’il venait de lui raconter, elle lui lança : Ah, papa, je voudrais avoir un million de minutes avec toi. Wolf Küper comprend alors que ce n’est pas d’argent dont il a besoin mais de temps.
S’étant rendu compte que plus il était disponible, mieux allait Nina, il décide d’abandonner ses rêves de super appartement et de perspectives professionnelles, de se défaire du superflu et, même, de ce qu’il croyait jusque-là indispensable, pour accorder à sa fille le temps qu’elle demandait. Ralliant sa femme à son idée, il embarque alors toute la famille pour le grand voyage dont il avait toujours pensé qu’il relevait d’un rêve impossible. Ou, si l’on veut, d’un impossible rêve. Sans détailler les étapes de ce voyage extravagant à travers la Thaïlande, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, on peut dire qu’il ne fut pas de tout repos. Confrontés à des horizons insoupçonnés, les quatre explorateurs - le plus jeune a quelques mois - le sont aussi à des êtres gentils et curieux qui vivent de rythmes, de savoirs, de sagesse et d’expériences qui sont pour eux une découverte parfois étonnante ou éprouvante mais finalement bénéfique. Ils y perdent la notion du temps d’avant, vivant sans montres ni horaires fixes, Ils s’interrogent sur le sens de la liberté, sur les notions de succès et de défaite, sur ce qu’est un chez soi…
Le million de minutes dure deux ans. Il faut rentrer au grand désarroi de Nina dont la voix insolite ne cesse de sinuer en nous, portée par l’amour et l’humour de son père qui, galvanisé par ses souvenirs, les étire parfois trop longuement. Mais nous fait vivre un attachant voyage de vie. Wolf Küper réside aujourd’hui en Afrique du Sud et vit de sa plume.
Un million de minutes ou Comment j’ai exaucé le souhait de ma fille et trouvé le bonheur en famille Wolf Küper Actes Sud 336 pp., env. 22,50 €