Foire du livre: rendez-vous au Bureau des secrets professionnels
Le travail et vous ! Des histoires de travail, tout le monde en a. D'amour, de rage, de harcèment. Des histoires drôles, tragiques, incongrues, inattendues.Toutes intéressent les autrices Dominique Costermans et Régine Vandamme qui les récoltent en vue de les publier.Alors, à vos plumes !
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Publié le 15-02-2019 à 12h33 - Mis à jour le 15-02-2019 à 23h06
Des histoires de travail, de licenciement, d'amour, de burn-out, d'amitié, d'engagement... Nous en avons tous à raconter. Pour nous y aider, les autrices Régine Vandamme et Dominique Costermans, ont décidé de les collecter, puis des les publier dans un livre qui se lirait comme un roman, ou plutôt un recueil de nouvelles.
La récolte a commencé voici six mois et les deux autrices sont présentes à la Foire du livre, au stand des lectures publiques et à la Scam pour ceux qui voudraient en savoir plus, ou venir se confier.
Il existe en effet plusieurs moyens de livrer ses histoires. Le racontant peut écrire lui-même son propre récit et l'envoyer par mail. S'il n'ose pas se lancer seul dans cet exercice, il peut s'inscrire à l'un des ateliers d'écriture mis sur pied par les Pointculture de la Communauté française à Liège, à Charleroi, à Louvain-la-Neuve ou à l'Hôpital Notre-Dame à la Rose. Troisième possibilité: se rendre au Bureau des secrets professionnels comme nous l'explique Dominique Costermans.
Comment se déroule l'entretien au bureau des secrets professionnels?
Les gens peuvent venir nous rencontrer et nous raconter leur histoire. Nous l'écrivons ensuite et nous les recontactons pour qu'ils valident notre récit. Nous garantissons la plus grande confidentialité. Et tout le monde sera accueilli de façon équitable.
Même inspiré d'histoires vraies, le ton doit se rapprocher de la fiction...
Le but n'est pas de faire un travail sociologique ou anthropologique mais bien de traiter des histoires vraies pour que le lecteur puisse vivre l'émotion et le rapport qu'on entretient avec le travail, qui est multiple, varié, solidaire, absurde. Tout le monde a une histoire à raconter, un premier boulot, une gaffe, un accident de travail... On a déjà récolté 150 histoires. On ne publiera pas tout, mais rien ne sera perdu. On fera aussi des capsules vidéo.
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Comment est née cette envie?
On s'est inspirées d'un livre de Paul Auster, Je pensais que mon père était Dieu (Actes Sud, 2001). Il a collecté 4000 textes avec pour thème «This is America » qui reprenait des histoires incongrues, des incidents. Il en a gardé cent septante qui contenaient beaucoup d'émotion, de chair et toutes les semaines, il en racontait une à la radio.
Vous avez sans doute déjà récolté des histoires incroyables?
En effet. On entre dans des cercles qu'on ne connaît pas forcément comme l'usine, les aides à domicile, l'hôpital, l'enseignement, la police mais aussi des jardiniers, des grandes entreprises.
Les textes doivent faire de deux à cinq pages. Ils sont parfois lapidaires, cinglants. On reçoit des histoires légères en apparence mais qui sont dramatiques, en réalité. D'autres sont plus drôles ou absurdes comme ce collègue qui ronfle au travail. Cela semble comique a priori mais révèle aussi quelque chose. Il y a également cette institutrice qui soupçonnait un cas d'inceste chez une de ses élèves mais qui n'a pas pu le vérifier. Vingt ans plus tard, la police est venue l'interviewer pour témoigner. A l'hôpital, il se passe beaucoup de choses poignantes. Par ailleurs, nous venons d'entendre la parole très émouvante de victimes d'un licenciement collectif.
Jusque quand peut-on envoyer son récit?
On clôture fin juin.
Avez-vous déjà un éditeur?
On a des contacts et pour l'instant on bénéificie d'un partenariat avec la Communauté française et le réseau Kalame pour l'accueil et la sortie d'un petit livre qui reprend un échantillon d'une dizaine d'histoires.
Si vous voulez contribuer au projet, vous pouvez envoyer votre texte à letravailetmoi@gmail.com
Voici un des textes déjà publiés
Petit chef
J’ai travaillé quatre jours dans un restaurant d’entreprise.
Le manager m’appelait Caroline, parce qu’il trouvait que
ça m’allait mieux qu’Alexandra.
L’Horeca, je connais bien ; je suis efficace. On me
demande de nettoyer les frigos, je nettoie les frigos. Ce
sont des frigos industriels : il faut les soulever pour récurer des lames assez coupantes. Je suis en train de gratter
ces lames, j’ai les mains gelées et je ramène des horreurs
– quand le manager arrive et me demande : “Comment ça
va, Caroline ?
- Alexandra. Ça va. J’ai froid aux mains.
- Oui mais comment ça va ?
- Ça va ! Je suis en train de nettoyer les frigos, j’ai froid
aux mains et je me suis coupée !
- Oui, mais ça, vois-tu… je n’ai pas envie d’entendre. Tu
vois, Caroline, le plus important, c’est la volonté et la
motivation. Chaque jour, il faut se demander ce que l’on
peut faire de plus pour s’améliorer.”
M’améliorer ? J’étais là depuis
trois jours. J’avais fait la plonge,
le service en salle, j’avais prêté
main-forte à mes collègues
en plein rush, j’ai fait les
sols, j’avais pris l’initiative
de nettoyer ces frigos qui
ne l’avaient plus été depuis
Dieu sait quand…
Quand la responsable m’a
appelée pour m’inviter à
signer mon contrat, j’ai dit
non merci.
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