Des récits hallucinants et des réflexions critiques sur le génocide rwandais
Un quart de siècle après le génocide des Tutsis au Rwanda, le monde de l’édition a publié un grand nombre de récits hallucinants de survivants et quelques-uns de Hutus ayant fui au Zaïre la perspective d’une victoire militaire du Front patriotique rwandais (rébellion essentiellement tutsie, aujourd’hui au pouvoir à Kigali) contre l’armée du gouvernement génocidaire.
Publié le 08-04-2019 à 10h48 - Mis à jour le 22-01-2021 à 15h19
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Une chronique littéraire de Marie-France Cros.
Un quart de siècle après le génocide des Tutsis au Rwanda, le monde de l’édition a publié un grand nombre de récits hallucinants de survivants et quelques-uns de Hutus ayant fui au Zaïre la perspective d’une victoire militaire du Front patriotique rwandais (rébellion essentiellement tutsie, aujourd’hui au pouvoir à Kigali) contre l’armée du gouvernement génocidaire.
L’ouvrage publié aujourd’hui par Hugo Doc arrive pourtant à se distinguer par l’horreur qu’il inspire. Le jeune Albert Nsengimana y relate "son" génocide ; il avait alors 7 ans. Fils d’agriculteur tutsi marié à une Hutue, il doit vivre avec l’incommensurable douleur d’avoir été livré aux tueurs extrémistes hutus par sa mère, tout comme deux de ses petits frères. Au Rwanda, l’appartenance à un groupe ethnique se transmet par le père.
Albert Nsengimana doit "à Dieu" et à sa vitalité d’en avoir réchappé - seul, à part sa mère et sa famille maternelle, associées aux génocidaires. L’enfant qu’il était alors ne peut démêler la part de conviction assassine de la mère et celle de la peur de se différencier du groupe. Son père et ses huit frères ont été assassinés, ainsi qu’une grande partie de sa famille paternelle.
Nsengimana raconte aussi la difficulté, pour un orphelin, de relever la tête, malgré une aide de l’État rwandais pour payer sa scolarité, et l’extrême solitude où l’ont laissé le crime et le traumatisme. Elle est telle qu’il se réjouira de la sortie de prison de sa mère, après neuf ans d’incarcération pour actes génocidaires. Sans pouvoir éteindre ses remords que ce soit à cause de son récit à des oncles paternels qu’elle avait été jugée et emprisonnée.
Le 25e anniversaire du génocide, ces 6 et 7 avril, est aussi l’occasion pour une historienne de l’ULB, Ornella Rovetta, de retracer l’histoire du premier procès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), celui contre le bourgmestre de Taba, Jean-Paul Akayesu.
Enfin, Aloys Kabanda et l’association Ibuka Mémoire et Justice publient un recueil de témoignages de rescapés, casques bleus, illustré de photos et caricatures de l’époque.
>> "Ma mère m’a tué", d’Albert Nsengimana, Ed. Hugo Doc 2019, 160 pp., 15€.
>> "Un génocide au tribunal - Le Rwanda et la justice internationale", d’Ornella Rovetta, Ed. Belin, 444 pp., 25€.
>> "Rwanda 1994 - Quand l’histoire s’écrit à la machette", d’Aloys Kabanda, Ed. Grip, 80 pp., 15 €.