Lettres entre une vieille dame et sa voisine
Publié le 30-04-2019 à 16h54
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A lire par-dessus l’épaule de Florence Herrlemann. Une charmante correspondance. Et le mot correspondance a, tout de suite, une résonance singulière en un temps où l’on ne s’écrit plus autrement que par mails ou SMS. Sous son charme légèrement désuet, sous la courtoisie des mots et l’intérêt de ce mode de communication, celle que Florence Herrlemann nous invite à lire par-dessus son épaule ne dit pas que des choses anodines et se construit comme une histoire où deux générations s’affrontent dans leurs visions du passé et du présent.
Dans l’immeuble où elle vit depuis… on ne compte plus, une très vieille dame dépose un message de bienvenue à la porte de l’appartement situé au-dessus du sien que s’en vient investir à grands bruits une nouvelle occupante. Elle est ravissante, n’a pas trente ans. La dame, âgée de 104 ans, se présente succinctement à elle, évoque les habitants qui l’ont précédée dans son nouveau logis, s’immisce dans ses goûts supposés, lui donne quelques directives et signe Hectorine. L’autre, plutôt méfiante et agacée, répond sèchement quand elle se décide à répondre. Mais la centenaire insiste, raconte le quartier - le Marais -, évoque les voisins, se plaint de la manière dont les vieux sont traités, partage les menus faits de ses journées et confectionne des madeleines qu’elle joint à sa lettre pour une destinataire qui n’a pas le goût d’écrire tout en voulant bien rencontrer la signataire de pareil insolite courrier. Elle téléphone, sonne à sa porte. Toutefois, l’épistolière entêtée ne répond pas, ne se montre pas. Elle reste invisible, se faisant par contre de plus en plus intrusive.
À travers le temps et l’espace
On devine évidemment que Sarah va finir par se laisser ébranler et se montrer réceptive aux propos d’Hectorine. Ses lettres s’adoucissent, s’allongent. Et tandis que l’aînée évoque les épisodes marquants et sombres de sa vie, la cadette confie ses peurs, ses doutes, ses amours et les désillusions qu’elle en a, tout en s’interrogeant sur la raison d’une pareille correspondance. Pourquoi elle ? Que cachent ces échanges qui se font de plus en plus intimes ? A-t-elle un lien avec celle, assez rebelle, qui livre pêle-mêle conseils et souvenirs ? Florence Herrlemann qui a choisi ce mode d’expression pour un roman dont, par un tour de passe-passe, elle nous fait croire qu’il est inspiré de la réalité - et pourquoi pas ? -, instille, autour de ces questions, un suspense où alternent amitié, violence, amour, haine…
Dialogue entre deux femmes éloignées par l’âge qui s’observent, se découvrent et confrontent leurs expériences, L’appartement du dessous est aussi un parcours à travers le temps et l’espace, les rêves que l’on a, les horreurs de la réalité, les petits soucis du quotidien et les noirceurs de l’âme humaine. A lire comme une de ces missives, écrites en confiance et confidences, telles que l’on souhaite, certains matins, en trouver dans sa boîte aux lettres.

L’appartement du dessous Roman De Florence Herrlemann, Albin Michel, 255 pp. Prix env. 18€