La bonne fortune de David Lodge
Ouvrir La chance de l’écrivain, c’est retrouver une voix à la saveur particulière, celle de David Lodge (Brockley, 1935), dont la musique est reconnaissable entre toutes. Ce second volume d’autobiographie (il n’y aura peut-être pas de suite à ce tome traitant des années 1976-1991) fait suite à Né au bon moment , paru en 2016.
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Publié le 08-05-2019 à 09h01 - Mis à jour le 08-05-2019 à 18h45
Ouvrir La chance de l’écrivain, c’est retrouver une voix à la saveur particulière, celle de David Lodge (Brockley, 1935), dont la musique est reconnaissable entre toutes. Ce second volume d’autobiographie (il n’y aura peut-être pas de suite à ce tome traitant des années 1976-1991) fait suite à Né au bon moment , paru en 2016. On le découvre en ces pages : Un tout petit monde, Changement de décor, Un homme de tempérament ou L’auteur ! L’auteur ! (entre autres) ont valu à son auteur une nouvel essor auprès des lecteurs francophones, au moment où sa notoriété commençait à fléchir en Angleterre. C’est à Gilles Barbedette, alors à la tête des éditions Rivages, que l’on doit la découverte de David Lodge. Publié en France dès 1990, Jeu de société allait marquer le début d’une riche aventure éditoriale.
Questions sans réponses
Dans Né au bon moment (qui couvrait les années 1935 à 1975), David Lodge avouait que l’exercice particulier de l’autobiographie laisse inévitablement des questions sans réponses et des énigmes insolubles. La veine plus factuelle qu’introspective qui prévalait dans ce premier volet est encore de mise dans La chance de l’écrivain. Pudeur et simplicité semblent brider un auteur dont on pouvait espérer des pages plus personnelles, plus enlevées.
La chance qui fut la sienne, David Lodge en a tiré profit sur divers plans. L’intellectuel a vécu de l’intérieur les années 1960-1980 au cours desquelles "les approches traditionnelles quant à la manière d’enseigner la littérature et d’écrire sur le sujet dans les universités étaient remises en question car il existait de nouvelles façons de lire les textes et de réfléchir à la langue". L’enseignant a eu du temps pour écrire, jusqu’en ce jour de 1987 où il devint écrivain à temps plein. L’universitaire a profité de nombreuses invitations à l’étranger pour découvrir le monde et nourrir son imaginaire. Le romancier a connu l’essor des prix littéraires (et leur revers : une nouvelle source d’humiliation pour les écrivains), notamment du Man Booker Prize. Il a rencontré de célèbres homologues (Umberto Eco, Joyce Carol Oates, Salman Rushdie, Susan Sontag…). Et a vu plusieurs de ses romans adaptés, avec divers bonheurs, en série télé. Enfin, l’homme est un père et un mari (fidèle) comblé.
Timing heureux
Né au bon moment et La chance de l’écrivain constituent deux manières de dire la même chose : la bonne fortune a prévalu dans la vie de David Lodge. "Cela a été pour l’essentiel le résultat d’un timing heureux. J’ai eu la chance d’atteindre ma vitesse de croisière en tant que romancier à l’époque où le contexte était propice à la fiction littéraire en Grande-Bretagne, dynamisée par une nouvelle génération de romanciers plus jeunes que moi, et par l’esprit d’entreprise dans le monde de l’édition et le commerce du livre qui a élargi l’audience et l’a sensibilisée à une nouvelle forme d’écriture, et a aussi rendu viable la profession d’écrivain freelance." En bonus, paraît L’homme qui ne voulait plus se lever, soit deux nouvelles inédites où l’on retrouve l’esprit malicieux et sans concession de D.L.

David Lodge | La chance de l’écrivain | traduit de l’anglais par Maurice et Yvonne Couturier | Rivages | 556 pp. env. 24 €
EXTRAIT
"Depuis 1975, j'avais publié quatre romans à la suite qui avaient été encensés par la critique et dont les ventes ne cessaient de croître. Vient un moment où les médias se fatiguent de chanter les louanges d'un écrivain à succès et saisissent l'occasion de lui rabattre le caquet, voire de l'humilier, et la culture du journalisme littéraire en Grande-Bretagne est probablement plus agressive que dans tout autre pays."