Des nouvelles d’Amérique

Faut-il le rappeler ? Les Etats-Unis sont l’une des terres ayant la plus longue et ambitieuse tradition littéraire pour la nouvelle. Parce que nombre de revues ont publié (souvenons-nous de Raymond Carver, Francis Scott Fitzgerald, Faulkner ou Hemingway, pour ne citer qu’eux) et publient encore ce type de textes, soutenant par là la créativité des auteurs.

Faut-il le rappeler ? Les Etats-Unis sont l’une des terres ayant la plus longue et ambitieuse tradition littéraire pour la nouvelle. Parce que nombre de revues ont publié (souvenons-nous de Raymond Carver, Francis Scott Fitzgerald, Faulkner ou Hemingway, pour ne citer qu’eux) et publient encore ce type de textes, soutenant par là la créativité des auteurs. Parce que les filières universitaires en creative writing favorisent l’émergence de textes courts, considérés comme tremplins avant le saut que constitue le roman. En 2013, l’attribution du Nobel de littérature à l’écrivaine canadienne Alice Munro (Wingham, 1931) a permis à ce genre exigeant d’être reconnu à sa juste valeur.

Saisissantes

Après le remarquable et remarqué Les Furies , l’on retrouve avec bonheur la plume exquise et maîtrisée de Lauren Groff. Les onze nouvelles qui composent Floride sont toutes saisissantes à leur manière, l’auteur happant le lecteur avec un mélange imparable d’étrangeté et d’exploration de l’intime. Comme le titre l’indique, c’est en Floride que sont campés la plupart des scénarios, des échappées en France constituant un rêve de tranquillité et de tempérance - même si dans les faits rien n’est si simple. Qui dit Floride, dit climat subtropical, chaleur accablante, ouragans. Avec Lauren Groff (Cooperstown, 1978), les désordres climatiques sont réels, ils influent sur le quotidien, avec de lourdes conséquences parfois.

Tempêtes intérieures

Mais la plus grande menace vient des tempêtes intérieures, des fêlures, des non-dits, des regrets. Deux fillettes se retrouvent seules, livrées à elles-mêmes, sur une île où les ressources manquent. Une mère savoure chaque soir le moment où elle passe le relais de la gestion des enfants à son mari pour s’échapper dans les rues de son quartier. Alors qu’elle a refusé de quitter sa maison pourtant dangereusement située, une femme reçoit la visite des fantômes de son mari, de son premier petit ami, de son père. En vacances à l’étranger, Helena est épiée par un épicier qui se révélera celui qui lui portera secours. Une jeune étudiante a choisi de perdre en embrassant la solitude et la faim, en un geste de purification. "Il y avait pire que d’être au cœur de la tempête : ne pas savoir ce qui se passait." Avec un aplomb sans failles, Lauren Groff surfe sur les ambiguïtés de ses personnages : entre désir d’émancipation et besoin de sécurité, entre souhait d’être un simple touriste et nécessité d’exister, entre envie de liberté et volonté de créer du lien. Ce, alors que tout peut basculer à tout moment. "Un instant, on est au soleil à profiter de l’océan, d’une glace, d’une sieste, de l’amour. Et celui d’après, plus rien."

Lauren Groff | Floride | nouvelles | traduit de l’américain par Carine Chichereau | L’Olivier | 297 pp., env. 22,50 €

EXTRAIT

"Je ne sais pas comment j'ai pu devenir une femme qui hurle, et puisque je ne veux pas être une femme qui hurle, dont les jeunes enfants vont et viennent le visage fermé, aux aguets, j'ai pris l'habitude après dîner d'enfiler mes baskets pour sortir marcher dans les rues au crépuscule, laissant à mon mari la responsabilité de passer les garçons sous le jet, les mettre en pyjama, leur lire une histoire, leur chanter une chanson et les border dans leur lit, parce que mon mari, lui, n'est pas un homme qui hurle."

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