"Min kamp" de Knausgaard, la saga qui secoua la Norvège
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Publié le 11-07-2019 à 15h54 - Mis à jour le 20-10-2020 à 13h55
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Cet été, découvrez les artistes qui se sont racontés entre fiction et réalité.
"Je savais si peu, désirais tant mais n’arrivais à rien", écrit Karl Ove Knausgaard à l’entame de Comme il pleut sur la ville (Denoël, 2019), le cinquième volet de son autobiographie. L’écrivain norvégien en a parcouru du chemin depuis cette année 1988 où, à vingt ans, il s’apprêtait à intégrer la prestigieuse Académie d’écriture de Bergen. En cours de traduction en français (la parution du dernier tome n’est pas encore programmée), son entreprise autobiographique est d’une ampleur inédite. Avec ses six volumes et ses 4 000 pages, Mon combat - Min kamp en norvégien, titre contestable choisi parce que, contrairement au Mein Kampf d’Hitler, Knausgaard assure que son texte est pétri de doutes et de malentendus - a autant dérangé que séduit. Dérangé car en Scandinavie on n’a pas l’habitude de parler de soi - l’autofiction y est d’ailleurs en quelque sorte née avec Mon combat. Séduit puisque les titres de cette saga terminée en 2011 se sont écoulés à quelque 600 000 exemplaires en Norvège (où ne vivent que 5 millions d’habitants) avant d’être traduits dans 36 pays. Dans la foulée, Zadie Smith, Emmanuel Carrère ou Jeffrey Eugenides se sont empressés de dire tout le bien qu’ils pensaient de cette œuvre.
En racontant au plus près sa vie de manière décomplexée, Knausgaard s’est attiré les foudres de sa famille. Le portrait de son père alcoolique et tyrannique, ses infidélités à Tanje (qui les a découvertes en même temps que les lecteurs), les tendances maniaco-dépressives de Linda (qui a rechuté après les avoir lues noir sur blanc) : il n’épargne rien à personne, posant la question de la possibilité pour la littérature de "dire la vie, rien que la vie mais toute la vie". Dans ces pages foisonnantes qui n’ont rien de chronologique, il est question de l’auteur et des siens, mais aussi de son désir d’écrire, de son obsession pour les beuveries et le sexe, de sa formation et de ses débuts d’écrivain, de ses amours tourmentées, de son rôle de père. Bref, tout ce qui le constituait jusqu’en 2011.
Au niveau de la forme, Karl Ove Knausgaard a voulu bousculer. Il a avoué ne pas avoir relu ces pages écrites à vive allure - les huit cents pages de Comme il pleut sur la ville ont été écrites en huit semaines quand les six volumes ont été rédigés et publiés en deux ans seulement. Son rythme variait entre cinq et vingt pages composées par jour. "Je voulais raccourcir la distance entre la pensée et l’écriture", a-t-il expliqué au Monde. Cela donne à l’ensemble une confondante proximité avec le réel, une vivacité hors pair. Il y a évidemment des maladresses, des défauts, des longueurs, mais rien qui entache le côté addictif et haletant de la lecture. C’est assez rare pour être souligné : même quand il ennuie, Knausgaard demeure hypnotique. Sans doute parce qu’en se livrant en toute vérité, il tend un miroir à nos singularités et excelle à transformer les petitesses en pépites.
Geneviève Simon
La mort d’un homme (vol. I), Un homme amoureux (vol. II), Jeune homme (vol. III), Aux confins du monde (vol. IV) et Comme il pleut sur la ville (vol. V) sont publiés chez Denoël. Les quatre premiers tomes sont également disponibles en format poche chez Folio.