Beaucoup de déjà-lu dans "L’Institut", de Stephen King
Infatigable, Stephen King tient le rythme du roman annuel, tandis que sur et petit écran, les adaptations de son œuvre se suivent, avec plus ( Ça, première partie) ou moins ( Doctor Sleep) de bonheur. L’Institut ne dément pas sa prolixité. Roman efficace, kinguien en diable. Mais avec, revers de la médaille, un sentiment de déjà-vu.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/dffc4ca2-824b-4571-b0d0-543ddfd99cb2.png)
- Publié le 28-02-2020 à 17h22
- Mis à jour le 25-02-2021 à 16h42
Beaucoup de déjà-lu dans "L’Institut" pour une parabole glaçante.
Infatigable, Stephen King tient le rythme du roman annuel, tandis que sur et petit écran, les adaptations de son œuvre se suivent, avec plus (Ça, première partie) ou moins (Doctor Sleep) de bonheur. L’Institut ne dément pas sa prolixité. Roman efficace, kinguien en diable. Mais avec, revers de la médaille, un sentiment de déjà-vu.
Après un début en guise de fausse piste, sur les traces de Tim Jamieson, un homme qui, sur la route de la Floride à New York, s’arrête dans une bourgade de Georgie pour y devenir veilleur de nuit. On l’y laisse, temporairement, pour découvrir Luke Ellis, un ado surdoué de 12 ans. Si surdoué qu’on lui offre une bourse pour entrer d’emblée dans une prestigieuse université. Si surdoué que, peu de temps avant ce changement de vie, un commando l’enlève en pleine nuit, exécutant ses parents.
Luke se réveille dans un mystérieux "institut" qui date de la dernière guerre (la froide).
D’autres enfants et adolescents y sont, comme lui, testés pour éprouver la nature et l’ampleur de leur don. TP (télépathie) ou TK (télékinésie) ? Luke soupçonne être un peu des deux, mais comprend instinctivement qu’il vaut mieux le cacher, malgré les discours lénifiants (servir leur pays et assurer la sécurité du monde) et l’alternance de bâton (des tasers) et de carotte (des "jetons" qui permettent de s’acheter friandises et boissons).
Les enfants essaient tant bien que mal de résister. Mais que faire face à des adultes, lorsqu’on a douze ans et qu’on est abruti par les expériences et les substances ? D’autant que sitôt les amitiés scellées, certains sont exfiltrés à "l’Arrière" de l’Institut - pour un destin mystérieux.
Recyclant un vieux motif complotiste (les officines où le gouvernement américain se livrerait à des expérimentations secrètes), Stephen King puise aussi dans sa bibliographie. Les enfants aux pouvoirs paranormaux ont fait ses premiers succès (Carrie, 1976, et Shining, 1979), suivis des unions d’enfants face aux monstres et/ou aux adultes (Stand by me, 1982, Ça, 1988, Dreamcatcher, 2002).
On est en terrain d’autant plus connu que ces motifs ont, depuis, été pillés par les héritiers de King (d’X-Files à Stranger Things, pour faire court). Au contraire de Luke, on a donc toujours une longueur d’avance, ce qui altère un peu le plaisir du lecteur roué que nous sommes - malgré l’horreur réelle de la torture infligée aux enfants sous couvert de recherche et le rythme toujours soutenu du récit.
Reste qu’on sera sensible à la parabole cachée. Plus que des soldats paranormaux, l’Institut fabrique surtout la banalité du mal : celle de bourreaux fonctionnaires appliquant le règlement à la lettre. Écho glaçant, en 2020, du retour de l’arbitraire totalitaire dans des sociétés en état de siège d’elles-mêmes.
L’Institut Roman De Stephen King, traduit de l’anglais par Jean Esch, Albin Michel, 608 pp. Prix env. 24,90 €
