Brel et la bête dans les pas de Pieter Bruegel
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Publié le 06-03-2020 à 16h40 - Mis à jour le 06-03-2020 à 17h12
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La révolte des gueux sous le regard flamand et indompté de Bruegel.
C’est d’abord un roman historique. Mais il se double rapidement d’un polar fantastique et un brin surréaliste gravitant autour de Pieter Brueghel et de la sévère occupation espagnole de nos contrées sous la férule du Duc d’Albe après la mort de Charles Quint. Voilà une manière pour le moins originale de marquer, fût-ce avec quelques mois de retard, le 450e anniversaire de la mort d’un de nos plus géniaux artistes qui repose aujourd’hui dans l’église de la Chapelle.
Qui plus est, le plus Bruxellois des peintres flamands aurait apprécié que l’ouvrage paraisse en français et en dialecte de la capitale, qui mélange avec bonheur les richesses linguistiques locales "in ‘t Frans en in ‘t Vloms". Voilà donc La bête du Tuitenberg de Bruno Brel, qui s’est muée en La biest du Tuitenberg grâce à l’adaptation de Joske Maelbeek, farouche défenseur de notre capitale et de son folklore.
Comme dirait une de mes brillantes jeunes consœurs, le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre. On connaissait l’attachement profond de Jacques Brel à Bruxelles mais aussi aux Bruxellois(es) et à leur esprit frondeur. Bruno Brel, qui s’est inscrit dans les sillons et davantage encore dans les microsillons de l’illustre tonton en embrassant, lui aussi, une carrière de chanteur, l’a doublée également d’une belle plume pour marquer son attachement aux habitants de la région centrale et ses environs.
Car Bruno Brel ne cache pas son admiration réelle, si si, pour les "hommes et aux femmes du pays flamand", n’en déplaise aux flamingants qui "nazis durant les guerres et catholiques entre elles oscillaient sans cesse du fusil au missel".
Pour son cinquième roman après différents essais, des nouvelles et même le scénario d’une BD, Bruno Brel nous fait entrer dans l’intimité de la famille Bruegel dans les Marolles, à Bruxelles, mais très vite, on suit le peintre sur les routes du Pajottenland. Et plus précisément chez un certain baron au nom vraiment très improbable de Stefaan… Van Kiekebich, dont on découvrira progressivement la vraie personnalité au fur et à mesure qu’il se fera tirer le portrait par Brueghel.
Résistance
Dans la dernière phrase de son épilogue, Bruno Brel avoue qu’il n’a jamais existé. Mais au fond, il incarne une certaine résistance à un pouvoir occupant trop oppressant. Et bien que Bruegel - ou ici Bruno Brel ? - n’aimait pas trop la noblesse, il n’en arrive pas moins, à la fin de l’histoire, à apprécier l’engagement de cet homme de pouvoir intermédiaire aux côtés des petites gens de la vallée de la Senne et du Pajottenland, ces sujets de prédilection du peintre qui, à travers eux, épinglent l’esprit humaniste de la Renaissance.
Pieter Bruegel, qui vit de son art, va connaître pour la seconde fois les joies de la paternité et veille à assurer l’avenir de sa famille et de sa tendre Mayken. En même temps, on devine un homme engagé révolté par l’occupation. Il se met au diapason des habitants du "Rand" de Bruxelles. Séjournant dans le château de son modèle, il va de surprise en surprise et découvre d’étonnantes personnalités comme Allonsius, son fidèle serviteur bossu, ou encore Ilse, une charmante jeune fille de fermiers pour laquelle il n’est pas loin de craquer. Mais pas question de tromper celle qui s’apprête à lui donner un autre enfant !
De rebondissement en rebondissement, Pieter Brueghel sera confronté à la "bête du Tuitenberg" bien plus pacifique qu’on pourrait le penser. Aux antipodes de Don Alvarez de Toledo qui, à son retour à la Cour d’Espagne, se vanta d’avoir tué plus de dix-huit mille gueux flamands.
Joske Maelbeek - c’est son nom d’écrivain - bien connu des passionnés du parler bruxellois par ses recueils de "foebelkes" (fables) mais aussi comme éminent dialoguiste de BD a brillamment adapté le roman en bruxellois. À la plus grande joie de Brel heureux d’avoir retrouvé en lui le Bruxelles qui, au fond, est toujours resté le sien…
Bruno Brel, "La bête du Tuitenberg", adapté en bruxellois ("La biest du Tuitenberg") par Joske Maelbeek, Lamiroy, 162 pp., env. 20 €
Présentation et dédicace, le 7 mars, 15h, stand 101