La mémoire vive du Congo
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Publié le 03-07-2020 à 16h09 - Mis à jour le 03-07-2020 à 16h11
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Récits des témoins directs, souvent négligés, des vingt dernières années de la colonie et la décolonisation (1940-1960).
Un maçon, un futur ministre, un historien, un enseignant venu travailler à l’Expo 58 ou un jeune militant radical… Des profils disparates choisis pour la qualité de leurs témoignages. Chacun, à sa manière, retrace sa vie quotidienne dans une colonie qui se rêvait "modèle" mais où l’égalité, la fraternité et la liberté étaient le plus souvent mises à mal par le mépris, la méfiance et/ou la distance imposée.
Ils décrivent ainsi Léopoldville coupée en deux par un apartheid de fait, avec la ville blanche, d’un côté, et la cité noire, de l’autre. Le couvre-feu imposé, les postes forcément subalternes et les salaires bloqués réservés aux "indigènes". Ils évoquent aussi les événements qui ont jalonné les revendications d’indépendance : les découvertes faites par les soldats congolais lors de la Deuxième Guerre mondiale, le soulèvement de Léopoldville en janvier 1959, la montée des revendications sociales et politiques et le discours du Premier ministre Patrice Lumumba, le 30 juin 1960.
Retour sur vingt années - de 1940 à 1960 - qui ont conduit le Congo vers l’indépendance. Un récit mené, pour une fois, par une multitude de témoins directs, "trop souvent oubliés par l’Histoire officielle".
Points de vue contrastés et histoire vécue de l’intérieur
La force de ce livre - qui fait suite à une série de reportages radiophoniques réalisés pour la RTBF - réside dans la diversité de ses intervenants. Par la qualité de ces témoignages aussi puisque le journaliste François Ryckmans propose des interviews plus ou moins brèves qui confèrent à son ouvrage rythme et vivacité. Au fil des pages, des hommes et des femmes se racontent. Et on a presque l’impression d’entendre leurs voix.
Parmi ces entretiens variés, figure celui, au long cours, mené avec Thomas Kanza, premier universitaire (laïc) du nouvel État indépendant du Congo. L’homme rappelle qu’il a étudié la psychologie et la pédagogie parce qu’en 1952, "les Congolais n’étaient autorisés à étudier ni le droit, ni la médecine, ni à faire des études d’ingénieur…." Une question à la fois cruciale et emblématique puisque l’absence d’élites congolaises a gravement nui au développement du "nouveau" pays.
Si, pour certains, l’indépendance signifiait la fin des discriminations, beaucoup ont déchanté par la suite, surtout ceux qui rêvaient de prospérité et de "crédit facile". Entre précipitation politique, mainmise économique et désorganisations logistiques, le ver était dans le fruit dès le début… L’amertume a entraîné la colère et, partant, des violences et de dramatiques incidents.
Le hasard de sa naissance a poussé François Ryckmans, petit-fils de l’ex-gouverneur du Congo et du Rwanda-Burundi, à établir en 2000 et en 2010, ce bilan nuancé et sans complaisance de la colonisation belge. Le livre est jalonné d’un certain nombre d’encadrés historiques permettant d’asseoir les connaissances ou de favoriser les comparaisons avec d’autres nations. Ils renvoient en outre à des textes de références permettant d’approfondir les thématiques abordées.
Mémoires noires Récit De François Ryckmans, Éditions Racine, 298 pp. Prix env. 24,95€
