Oser la liberté avec ses défaites et ses réussites
Véronique Olmi scrute à travers une même famille les répercussions des ébranlements du monde.
Publié le 21-08-2020 à 15h19
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Quand le monde change d’humeur - et, donc, de règles - comment le vivent les individus ? C’est avec un roman qui observe le retentissement des évolutions de société sur les mentalités individuelles que Véronique Olmi s’inscrit à la rentrée littéraire. Le sujet est d’actualité. C’est toutefois à la période d’après mai 68, hautement symbolique, que s’attache Les évasions particulières. Avec lucidité et nuance, le livre pose les questions qui fâchent. Celles qui font s’affronter des êtres qu’opposent de soudains désaccords. Celles qui bouleversent la conscience que l’on a de soi et des autres.
Née à Nice en 1962, Véronique Olmi n’est pas une novice en littérature, son parcours de vingt-cinq années mêlant théâtre et roman a été balisé de nombreux prix - Backita, paru en 2017, l’imposant définitivement à un large public. À lire son récent roman, on a l’impression qu’elle a vécu plusieurs vies tant elle s’implique avec justesse dans celles qu’elle y confronte entre une narration pénétrante et une réflexion qui a le bon goût de n’être pas intolérante.
S’affranchir des idées reçues
"Tous ensemble, ils étaient quelqu’un". C’est ce qu’éprouvent les parents et les trois enfants encore jeunes d’une même famille en partageant des plaisirs et émotions qu’ils devinent fugaces. Les trois petites filles du couple uni par l’amour et la certitude de bien faire échappent pourtant l’une après l’autre à la vigilance de celui-ci pour remettre en question les idées reçues et les préceptes de leur éducation. Fières que leur père, Bruno, un homme simple et généreux, place l’altruisme avant les richesses, elles étouffent sous la rigueur que lui inspire son catholicisme étriqué. Quant à leur mère, une femme discrète essentiellement attachée à la bonne tenue de ses filles et de son ménage, elles la laissent totalement désemparée lorsque, le temps passant, leur vient la volonté de s’affranchir de celle-ci. Sabine, l’aînée, ne rêve que de partir faire du théâtre à Paris, s’y vouant avec la même urgence qu’à son désir d’amour. Hélène, la seconde, va devoir affronter un choix douloureux entre son affection pour ses parents et ses complicités de pensée avec l’oncle et la tante qui lui font partager leur luxe éblouissant. La dernière qui a tenu un Cahier des Bonheurs avant que des Malheurs s’épanouit dans le silence et un amour insupportable aux principes paternels. Guidées par un même besoin de liberté, et la mère les rejoignant, mue soudain par une irrésistible envie de vivre pour elle-même et de "voir d’autres gens", chacune va suivre son destin entre défaites et réussites et mesurant combien il est difficile d’avoir à décider de tout pour soi.
Véronique Olmi tend son roman vers l’avenir sans condamner le passé avec une intransigeance sans nuance. C’est en cela qu’elle touche. Elle observe d’un regard ouvert les êtres et leurs contradictions, le monde et ses ébranlements. En traits précis, elle installe une ambiance. En touches légères, elle dessine une personnalité. À coups d’images, de chansons, de sensations, elle restitue le contexte d’une époque. Elle questionne au hasard d’histoires mêlées. Et l’on reste dans son long livre avec le plaisir de s’y reconnaître parfois.
Les évasions particulières Roman De Véronique Olmi, Albin Michel, 499 pp. Prix 21,90€, version numérique 14,99 €
