André-Paul Dûchateau rejoint Tibet au paradis de la BD
Le créateur de Ric Hochet est décédé à 95 ans.
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Publié le 26-08-2020 à 20h30 - Mis à jour le 26-08-2020 à 22h54
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C'est une (très) grande page de la bande dessinée belge qui s'est tournée mercredi, avec le décès, à 95 ans, d'André-Paul Duchâteau, créateur de Ric Hochet avec Tibet. Ce prolifique scénariste fut un des piliers du Journal Tintin du milieu des années 1950 aux années 1980, signant plusieurs titres par an. Les albums de Ric Hochet se sont vendus à 15 millions d’exemplaires et ont été traduits dans plusieurs langues.
S'il n'a pas révolutionné son art, il en fut un honnête et enthousiaste artisan, auteur généreux, partageant dans ses créations son amour du roman policier, de l'aventure ou de l'histoire. Comme beaucoup d'auteurs de sa génération, il avait le succès modeste, toujours affable, discret et courtois. “Je suis venu à l’écriture, par la lecture” disait-il.
Premier roman à 15 ans
Né en 1925 à Tournai, André-Paul Duchâteau n’a pas sept ans quand il succombe au roman policier, à la lecture lorsqu’il découvre "Six hommes morts" de Stanisla-André Steeman, dans l’hebdomadaire Le Moustique. Dès l’adolescence, il noircit des cahiers, alternant le graphisme, un peu, et l’écriture, beaucoup. À seize ans, il publie un premier roman, "Meurtre pour Meurtre", dans une collection dirigée par Steeman... Encore lui. Ce dernier devient son mentor et confident. Il préfacera l'édition de l'intégrale de ses oeuvres aux éditions du Masque.
Dès le milieu des années quarante, il multiplie les nouvelles. Dans Mystère-Magazine, tout d’abord (certaines franchiront l’Atlantique et seront adaptées dans la version américaine de la prestigieuse revue de littérature policière, l’Ellery Queen’s Mystery Magazine), puis dans Fiction ou Tintin. Il en signe plusieurs centaines... Fruit de son époque, Duchâteau forge des intrigues à mystère - whoddunit à la Agatha Christie : un crime, une énigme à résoudre, une résolution. Il collabore à l’hebdomadaire Bravo !, revue pour la jeunesse qui est alors l'antichambre de la deuxième génération des auteurs franco-belges de la bande dessinée, celle qui suit les traces des pionniers d'avant-guerre, comme Hergé et Jijé.
78 Ric Hochet
Il croise vers 1945 la route d’un certain Tibet... Dès 1955, ils imaginent Ric Hochet, dans Tintin. Leur collaboration se poursuivra pendant près de soixante ans, pour un total de 78 albums jusqu’en 2010 - à raison d’un titre tous les huit mois ! Pour expliquer cette longévité, il expliquait au site ActuaBD, en 2010 : “Nous étions amis avant même de collaborer ensemble. Nous connaissions bien le travail de l’autre. J’ai toujours apprécié ses dessins, et lui mes histoires policières. Nous avons eu très vite envie de travailler ensemble pour concrétiser cette amitié. Ric Hochet est véritablement issu d’un acte d’amitié !”
Le journaliste-détective, reporter au quotidien La Rafale, héritier autant de Rouletabille que de Sherlock Holmes, épaule le commissaire Bourdon dans des enquêtes. Au fil du temps, certaines flirteront avec le fantastique ou l'horreur. Duchâteau affectionnait particulièrement ces dernières (il citait notamment "Les Spectres de la nuit", "L’Ennemi à travers les siècles", "Le Monstre de Noirville"). Mais, rappelait encore le scénariste en 2010 : “Le public, et Tibet, exigeaient qu’après avoir été confronté à des faits stupéfiants dans l’intrigue, Ric Hochet trouve une solution cartésienne et logique à l’énigme. Il n’était pas question de terminer une histoire sur un fait inexpliqué".
Ecrire tous les jours
Anecdote méconnue de ce début de carrière : en 1955, toujours, il part pour le Congo, où il dirige L’Avenir et Actualités Africaines. Il engage Joseph Mobutu, sergent comptable dans la Force Publique. De retour en Belgique, dans les années soixante, André-Paul Duchâteau multiplie les collaborations, devenant avec Greg l'autre scénariste pilier du Journal Tintin : il écrit pour William Vance (Bruce J. Hawker), Rosinski (Hans), Daniel Hulet (Pharaon), Christian Denayer (Yalek, Alain Chevallier, Les Casseurs) et, toujours, Tibet (Chick Bill, Les Peur-de-Rien).
Il croyait dans le vieil adage qui veut qu’un écrivain ne doit pas passer une journée sans écrire une ligne. Sa production en bande dessinée comptera plusieurs centaines d’albums. Il assure par ailleurs la rédaction en chef du Soir Jeunesse, puis celle de Tintin, à partir de 1976.
À partir de 1989, il dirige la collection "BDétectives" des éditions Lefrancq où il adapte ses amours de jeunesse... Retour à Rouletabille et Sherlock Holmes. Au roman aussi, avec des titres comme "La 139e victime"," Mourir à Angoulême" ou "De Cinq à sept avec la mort" (Grand Prix de Littérature Policière).
Jusqu’au bout, il resta un lecteur et un écrivain enthousiaste : “Je n’ai aucune lassitude et je ne suis pas blasé par l’écriture ou la lecture.”