Le Japon enchanté de Muriel Barbery
Retrouver des désirs enfuis et des émotions perdues en découvrant les façons de vie d’un pays envoûtant.
Publié le 10-09-2020 à 18h07 - Mis à jour le 19-02-2021 à 17h37
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Roman des origines. D’un retour sur soi. De paix avec les amertumes d’une enfance solitaire. De transmission de valeurs. De nostalgie d’un pays "où l’on souffre beaucoup mais on n’y prend pas garde". Il y a tout cela qui se mêle et se répond dans le roman complexe de Muriel Barbery qui passe de Gallimard - où L’élégance du hérisson lui valut en 2006 une reconnaissance enthousiaste - chez Actes Sud avec Une rose seule son cinquième roman. Ancré dans un Japon d’épure même si une certaine laideur n’en est pas ignorée, le livre relève à la fois du récit enchanté et de la méditation poétique.
Rose est botaniste. À 40 ans, elle a peu de disposition pour le bonheur. Elle tient les autres à distance. Elle n’a pas connu son père, un riche marchand d’art japonais que sa mère avait quitté à la naissance de leur fille en lui intimant l’ordre de ne jamais chercher à voir celle-ci ramenée en Europe. À la mort de ce géniteur invisible, elle reçoit pourtant un message de notaire l’invitant à venir recevoir son héritage selon le souhait qu’il en a exprimé avant de mourir. Elle part à Kyôto.
Un Japon raffiné
On sent que Muriel Barbery connaît bien le Japon, tout au moins un Japon raffiné et enchanteur qu’elle évoque avec une empathie qui transparaît dans ses évocations. La découverte qu’en fait Rose, son héroïne, est d’emblée très forte. Sa vie lui avait jusque-là semblé terne. Elle avait peu de désirs, ne s’attachait à personne, se dit orpheline à la mort de sa mère tout en sachant que vivait un homme auquel elle en voulait intérieurement de ne pas l’appeler à lui. Une sourde colère la minait jusqu’au jour où elle reçoit une requête de notaire lui apprenant le décès de son père. À Kyôto où elle débarque sans enthousiasme, elle est accueillie par un Belge qui a été secrétaire de ce père qu’il appelle "Haru". Il lui révèle qu’il parlait d’elle tous les jours. À travers jardins, temples, rencontres diverses, il lui fait parcourir un itinéraire programmé par l’esthète qui a voulu transmettre à sa fille un peu de ce qu’il n’a pu lui donner de son vivant. Aux frémissements des fleurs et des branches, aux subtilités de la réalité, aux récits traditionnels, aux êtres qu’elle côtoie, aux mystères des nuits, aux vibrations des jours et à l’amour qu’elle découvre, Rose se détend, apprend puis se métamorphose et retrouve des façons de vie disparues et des émotions d’enfance auxquelles elle se laisse aller… Elle désire et aime.
C’est un roman apaisant. On s’y agace parfois, dans une écriture pourtant miniaturisée, d’images sophistiquées ou d’un lyrisme un peu artificiel. Mais on y fait un fascinant et foisonnant voyage sous la conduite de Muriel Barbery inspirée par une poésie de l’âme et de l’univers japonais qu’elle partage avec une sensibilité et une vénération teintées de nostalgie.
Une rose seule Roman De Muriel Barbery, Actes Sud, 160 pp. Prix env. 17,50 €, version numérique 13,99 €
