Le "papa où t’es" du fils de père inconnu
Marie-Hélène Lafon raconte en musicienne une histoire de destin, de famille et de terroir.
Publié le 10-09-2020 à 15h20 - Mis à jour le 11-09-2020 à 18h01
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Ce n’est que le soir de son mariage qu’André apprend le nom de son père : Paul Lachalme. Il s’était jusque-là perçu comme le fils inconnu d’un père inconnu, celui-ci n’ayant peut-être jamais été au courant de son existence. Le lecteur, lui, a été introduit dans la vie de Paul d’entrée de jeu dans la fresque familiale de Marie-Hélène Lafon. Il n’ignore rien de son enfance à Chanterelle, sa vie à la campagne, son adolescence, la guerre qu’il ne fit pas, son ambition, son intérêt pour les filles, son frère Armand, et le cri jamais oublié de son jumeau mort à l’âge de quatre ans dans des circonstances insupportables… Le jour où l’infirmière de seize ans son aînée le soigne pour des bronches en mauvais état, il tombe amoureux d’elle.
C’est à ce moment qu’André entre en scène dans le roman avec ses deux mères : Geneviève qui l’a mis au monde et qu’il appelle "ma mère" et la sœur de celle-ci, Hélène, qui l’élève avec son mari et qu’il appelle maman. Geneviève vient le voir deux fois par an dans le Lot où il se sent heureux dans la chaleur et la bienveillance d’une famille pourvue de trois joyeuses cousines. C’est une mère fuyante, mystérieuse, imprégnée de l’élégance de Paris où elle vit et qu’elle transporte avec elle. Dans son malheur, André est conscient d’avoir eu de la chance même si un manque jamais assouvi le tenaille qu’il tentera vaille que vaille de combler sans trop s’appesantir.
La vie des gens et des lieux
Sur ce canevas qui s’étale de l’année 1908 à 2008 et s’inscrit entre trois pôles, le Cantal, Paris et le Lot, Marie-Hélène Lafon a construit avec Histoire du fils une saga où l’on s’emmêle parfois entre les prénoms et les dates mais qui vibre intensément de la vie des gens, des lieux et plus particulièrement des campagnes : ce qui se joue sous les apparences des êtres et émerge des odeurs, coutumes, traditions, dictons - "On ne mélange pas les torchons et les serviettes" -, de la grande toilette du samedi soir, les rires et les peurs, des chaudrons fumants de la lessive…
André n’aime pas Paris qui est pour lui la ville de sa mère. Marie-Hélène Lafon qui s’est arrachée à dix-huit ans de ses terres d’origine pour écrire dans la capitale française n’y place pas non plus ses affinités électives. Son pays, ses attachements, c’est Aurillac dans le Cantal où elle est née et dont elle porte en elle la juste vie que son écriture précise et raffinée transmet avec une empathie contagieuse. C’est une styliste qui a le don du rythme, l’intuition des perceptions et des sensations, le goût des mots. Bousculant les dates, privilégiant l’essentiel à la chronologie, elle pose des balises à travers le temps qui passe et les générations qui se suivent. Elle a surtout le sens de ces bruissements intimes qui perturbent l’insouciance du bonheur. Elle écrit avec une âme de musicienne
Histoire du fils Roman De Marie-Hélène Lafon, Buchet/Chastel, 175 pp. Prix env. 15 €, version numérique 9,99 €