Le Quichotte désespéré de Yasmina Khadra
Le roman de l’écrivain algérien raconte l’errance d’Adem et ses rencontres qui peuvent réenchanter sa vie.
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Publié le 22-09-2020 à 17h01 - Mis à jour le 22-09-2020 à 17h40
Le nouveau roman de Yasmina Khadra est une réflexion sur la vie à travers le destin, en Algérie, d’un antihéros appelé Adem (rappelant le nom du premier homme). Lorsque sa femme le quitte brusquement pour un autre, il ne supporte plus sa vie, quitte tout et commence une errance d’homme bourru, désagréable, sombrant dans la clochardise et l’alcool.
Yasmina Khadra voit chacun de nous dans ce personnage quand "on est déçu, qu’on a échoué, qu’on se replie hors du monde". Son roman est une épopée comme celle d’un don Quichotte des temps modernes. Curieusement, Salman Rushdie publie en même temps, un grand roman également sur un Quichotte (le titre du livre) voyageant dans l’Amérique de Trump. Nous y reviendrons.
Adem, le Quichotte de Yasmina Khadra, se bat contre ses propres moulins à vent, qui ont noms aigreurs, hantises, aveuglements.
Professeur, il a abandonné ses élèves. Deux fois il pourrait vivre l’amour d’une femme, mais il ne les comprend pas.
Vautour ou aigle
Dans son errance, il croise des éclopés, des laissés-pour-compte : un prisonnier, un musicien aveugle, un hôpital psychiatrique où on se souvient de Franz Fanon, un nain malicieux nommé Mika qui devient son Pancho. Ses rencontres fortuites qu’il veut d’abord fuir, lui apprennent peu à peu qu’il doit se réinventer pour retrouver le goût de la vie.
Le titre du roman - Le sel de tous les oublis - est relié, dit-il, "à l’idée d’une mer de souffrance, de larmes qu’il faut assécher jusqu’à ne garder que le sel. Il faut perdre le souvenir de ses malheurs."
Le roman se déroule dans la campagne algérienne, dans les années 60, au lendemain de la révolution et de l’indépendance. Yasmina Khadra dresse en filigrane un portrait de cette époque de transition où les archaïsmes pouvaient voisiner avec les dérapages possibles du nouveau pouvoir, comme en témoigne un personnage odieux de petit potentat local auquel se confronte Adem. "Après toutes les révolutions, que ce soit en France ou en Russie, il y a des vautours qui se prennent pour des aigles", souligne Yasmina Khadra.
"Adam rencontre des gens simples mais qui ont bien mieux compris la vie que les gens au pouvoir."
Cette balade philosophico-littéraire témoigne des talents de conteur de Yasmina Khadra mais n’évite pas les lieux communs et les images clichés. Elle plaira au moins aux nombreux fans de l’écrivain algérien, vedette dans son pays.
Le sel de tous les oublis Roman De Yasmina Khadra, Julliard, 257 pp. Prix env. 19 €, version numérique 12,99 €
