L’amitié qui nous lie et nous délie
Après le très remarqué "Cent ans", voici "Amitié. Tout ce qui nous lie", nouvel et bel opus de Heike Faller et Valerio Vidali.
Publié le 02-10-2020 à 16h23 - Mis à jour le 13-10-2020 à 08h35
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Voici déjà Amitié. Tout ce qui nous lie, un an à peine après Cent ans . Tout ce que tu apprendras dans la vie , un "livre monde" coup de cœur des libraires, qui avait défrayé la chronique jeunesse, et pas seulement, tant l’album de Heike Faller et de Valerio Vidali se révélait inattendu, réjouissant et panoramique, avec sa manière de laisser défiler les différents âges de la vie, du sourire d’ange au premier baiser en passant par le café partagé, et autres étapes essentielles, ou non. On y suivait l’arrivée des enfants, le développement de la carrière professionnelle, l’accélération du temps, la découverte de soi, la recherche des racines, l’amour grandissant de la nature ou l’envie de parcourir le monde.
Inspirée par ses nièces pour l’écriture de ce livre, Heike Faller, rédactrice pour le magazine Zeit, continue à se nourrir de son vécu pour raconter l’amitié, parfois plus importante que l’amour, susceptible d’accompagner une existence entière, de colorer des instants précieux, d’aider à traverser les tempêtes ou les étés pluvieux, de se métamorphoser insidieusement en histoire d’amour, de ne durer qu’un temps, ou de résister toujours. Entière ou ambivalente, l’amitié commence parfois par un coup de foudre ou autre fulgurance. Une évidence, tout simplement.
L’idée de Amitié. Tout ce qui nous lie, confie l’autrice, est née alors qu’elle revenait de l’anniversaire d’un ami. Ils avaient traversé Berlin en pleine nuit à bord d’une péniche-restaurant. Il y avait des amis de sa femme devenus siens, des gens qui s’étaient perdus de vue, d’autres qui ne s’étaient pas quittés.
Entre vingt et trente ans

Comment se rencontre-t-on ? D’où viennent ces flashs de sympathie ? Pourquoi devient-on étranger l’un à l’autre ? Autant de questions auxquelles l’autrice a cherché des réponses en créant une chaîne de l’amitié, en demandant à une amie de lui parler d’un ami, puis à cette personne de raconter quelque chose sur une autre amie, et ainsi de suite.
De ces témoignages, elle a déduit que malgré les amitiés d’enfance qui perdurent, celles qui résistent le mieux à l’épreuve du temps naissent quand on a entre 20 et 30 ans, qu’on quitte parfois pour la première fois un milieu rural, que l’on est déjà celui que l’on sera.
Et si Heike Faller devait donner une définition de l’amitié, sans doute dirait-elle qu’un ami, c’est celui qui aide à s’accepter, à assumer ses défauts, à être soi, avec soi comme avec les autres.
Sans oublier de se souvenir de la rencontre, qui comme l’écrit l’autrice, et l’illustre avec la même naïveté énigmatique que dans Cent ans, Valerio Vidali, au talent souvent primé, a pu se dérouler dans un champ, dans une pièce, en tant qu’adversaires autour d’une table de ping-pong, à cinq heures du matin, en bord de mer, lors d’une pêche matinale, tout en haut de la montagne, tout en bas, sur un banc public, à l’école, dans un bus…
Partage
Sonne ensuite l’heure du partage, celui des bons plans, des Indiens, des vêtements, des bêtises ou des bains de minuit. Ensemble, deux jeunes adossés au mur sur lequel ils ont tracé les lettres de l’anarchie, se sont aussi trouvés eux-mêmes avant d’oublier le temps, ou de découvrir le monde.
Partage aussi d’un ballon de rouge ou de déceptions ponctuées de moments d’ennui, de rancœurs, de non-dits, voire de tout ce qui peut délier le lien, creuser l’éloignement, installer la solitude.
Il suffit parfois que des situations similaires rapprochent deux êtres que rien ne prédestinait à se rencontrer pour que l’aventure commence. Il se peut aussi que la jalousie vienne distiller son poison, que la franchise soit acceptée, que les défauts s’accumulent, que la vieillesse s’en mêle, mais l’amitié souvent l’emportera, car sans elle, comme semblent le rappeler les deux auteurs, avec leur don de donner puissance à l’évocation et rythme à l’énumération, la traversée serait sans doute plus longue et plus douloureuse.

Amitié. Tout ce qui nous lie Album De Heike Faller et Valerio Vidali, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Seuil. Editions du sous-sol, 200 pp., Prix 19,90 €.