Un récit hommage d’une enfant à sa mère lionne
Passant de la scène à l’écrit, Roukiata Ouedraogo tente de soigner une blessure d’enfance.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/8a33b855-d2e1-4a40-803f-1b37cad5d373.png)
Publié le 09-10-2020 à 15h43
:focal(161.5x255:171.5x245)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/2MBHJPCEGRDJNNV7EO2CZTV5H4.jpg)
Sur scène, déjà, la jeune Roukiata parlait de ce qu’elle connaissait : les classes bondées de Bobo-Dioulasso, les rêves d’Europe, les craintes des parents face à un enfant qui veut devenir comédien ; la froide réalité de l’arrivée en France et de la recherche d’un emploi lorsqu’on vient de loin et qu’on n’a pas le bon accent. Et ces différences culturelles qui pimentent le quotidien mais qui piquent parfois les yeux.
Pour parvenir à mettre du beurre de karité dans ses épinards et sortir des rôles ghetto (nounou, femme de ménage,…) proposés à celles qui partagent sa couleur de peau, Roukiata Ouedraogo a commencé par écrire ses propres spectacles, convoquant ses souvenirs d’enfance, réveillant les sagesses de son Oncle Théophraste resté au Burkina Faso.
Parole du dernier-né
C’est comme cela qu’elle est parvenue à conjuguer humour et engagement : à faire rire et réfléchir en même temps, sur la situation des immigrés en France, notamment. Des spectacles où la parole se faisait, par moments, plus grave lorsqu’elle abordait des moments personnels, plus douloureux.
À force d’endosser, sur scène, le rôle de griot, le besoin de transmettre son histoire familiale est devenu plus pressant. Roukiata Ouedraogo vient donc de publier son premier roman, en grande partie autobiographique. Un tour de force puisque le narrateur y est âgé de neuf mois à peine lorsqu’il entame le récit de l’événement qui a bouleversé la vie de ses parents.
Du miel sous les galettes est le récit d’une injustice comme on peut en croiser en Afrique mais aussi en de nombreux points du globe où la démocratie n’est pas vraiment appliquée par des petits chefs en mal de pouvoir. Une affaire qui a fait peser sur les épaules de la mère de Roukiata un poids démesuré durant plusieurs années et qui a durablement façonné le destin de tous les siens.
Avec ce roman, l’auteure rend un vibrant hommage à celle qui n’a jamais baissé les bras et qui lui a sans doute insufflé l’envie et le courage de se battre pour devenir celle qu’elle est : une artiste forgeant son destin en donnant son point de vue sur les ondes de France Inter, dans l’émission Par Jupiter, et en invitant les spectateurs à rire et à réfléchir avec elle à nos parcours d’être humains.
Dans son roman, le ton est à la fois tendre et modeste, comme celui d’un enfant. Le lecteur vit cette histoire au plus près des émotions de la maman car l’histoire démarre au moment où la fusion entre la petite fille et sa mère était totale. Si on sourit parfois, si le récit a des allures de conte cruel, il n’y a ici ni fée, ni princesse et les seuls dragons que l’on croise sont ceux d’une administration aveugle, cruelle et sourde face à la détresse humaine.
Cette histoire si souvent entendue. Roukiata Ouedraogo la rend vivante et proche par le truchement d’une plume légère et alerte, devenant ainsi le porte-voix de tant de femmes et de mères courageuses à travers le globe.
Du miel sous les galettes Roman De Roukiata Ouedraogo, Ed. Slatkine & cie, 270 pp. Prix env. 17€, version numérique 10,99 €
