Dans les yeux de Dostoïevski
André Brombart nous guide au cœur des romans de l’auteur russe pour y découvrir qui nous sommes.
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Publié le 14-10-2020 à 07h40 - Mis à jour le 14-12-2020 à 16h14
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Toutes les rives se touchent [dans le cœur de l’homme], toutes les contradictions vivent ensemble". La division de l’Homme, sa capacité à chérir dans son âme "l’idéal le plus haut en le faisant coexister avec la plus grande des crapuleries, et d’une façon parfaitement sincère", voici un des grands thèmes de Dostoïevski, mis en lumière par André Brombart dans son dernier ouvrage consacré à l’auteur russe. Car l’Homme est bien un être blessé, "double", pataugeant dans un no man’s land, perdu entre le bien et le mal. Mais si là se trouve son existence, tel n’est pas son horizon, espère André Brombart en lisant Dostoïevski. "Une chose est sûre, écrit-il ainsi : si la bonté qui est [en l’Homme] est sans cesse étouffée par le mal - de toute évidence plus puissant, plus ‘efficace’- le mal, pourtant, est constamment ‘rattrapé’ par la bonté et ne réussit pas à l’anéantir." Bref, nous sommes sauvés.
Je te dirai tout…
C’est en s’attachant aux personnages qui peuplent les romans de l’auteur russe que le prêtre belge André Brombart déploie le regard chrétien qu’il porte sur l’œuvre de Dostoïevski. Il le fait cependant sans jamais y réduire le propos, simplement soucieux de déployer avec rigueur ce qui l’y a touché. Il souligne la finesse avec laquelle Dostoïevski évoque notre humanité. L’art du Moscovite est ainsi d’un grand réalisme : les humiliés, les fous, les infirmes nous invitent à mieux comprendre qui nous sommes. Mais rien n’y est définitif. Tout dans Dostoïevski respire l’espérance que chacun est en voie d’unification, de divinisation, écrit encore André Brombart. Cette espérance "est fondée sur ce qu’il y a de plus central dans la révélation chrétienne : la foi en l’amour qu’aucun mal ne peut anéantir. C’est donc presque toujours à travers des témoignages d’amour véritable - aussi balbutiants soient-ils - que les personnages du drame dostoïevskien accèdent à un surcroît d’humanité".
Il y a quelque chose de beau à suivre les personnages russes, humbles et parfois secondaires que rassemble André Brombart. On espère alors pouvoir se replonger dans L’Idiot, L’Adolescent ou Les Frères Karamazov et, en attendant, on ne peut que désirer s’asseoir sur les marches d’un perron entre le général Ivolguine - vieil homme épuisé, pitoyable, mythomane, à quelques encablures de la mort - et son fils Kolia qu’il serre auprès de lui et auprès duquel il cherche à se confesser dans une ultime démarche salvatrice : "Penche-toi, penche-toi, marmonnait-il, je te dirai tout… la honte… penche-toi…"
De l’homme divisé à l’homme divinisé. Dostoïevski, une anthropologie chrétienne Essai De André Brombart, Parole et Silence, 142 pp. Prix env. 14 €
