Les contes de Perrault réunis en un très beau livre enluminé par l’art brut
Les Contes de Perrault étaient de source populaire, en fait la mise en écrit de récits de la tradition orale. Retranscrits dans une langue érudite et riche.
Publié le 12-11-2020 à 11h35 - Mis à jour le 09-12-2020 à 14h28
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Le cadeau rêvé pour raviver les peurs ou bonheurs de notre enfance quand parents ou grands-parents nous racontaient "une histoire encore", que nous réclamions avant d’aller dormir. Et, pourquoi pas, pour de jeunes enfants qui auraient notre âge d’alors et que nous pourrions, à notre tour, envoyer dans les songes avec cette "histoire encore" qui nous faisait tant rêver !
En prose ou en vers, les contes du sieur Charles Perrault (1628-1703), contemporain de ce Jean de la Fontaine, dont les fables animaient nos cours de diction - les apprend-on encore à l’école, aujourd’hui ? - avaient pour assises des valeurs morales très chrétiennes.
En même temps que lui vivaient aussi Molière, Boileau, Racine, tous écrivains d’un siècle très classique toujours à l’honneur de nos jours, enfin pour nous qui avions moins de vingt ans dans les années cinquante et soixante.
Fruits de ses cogitations d’homme vieillissant, les Contes de Perrault ont, dans la carrière de l’écrivain, fait suite à des ouvrages religieux, à du théâtre, parfois burlesque, des fables et même des pièces galantes. Disons que l’on en a surtout, de nos jours, retenu les Contes.
Des Contes, sans doute quelque peu oubliés, encore que, par nos enfants de l’école primaire, que Diane de Selliers a eu la riche idée de remettre au jour assortis d’illustrations tout indiquées, celles de l’art brut, les récits et les images relevant tous deux d’un art à connotation populaire. Ce qui n’empêcha pas les Contes d’être appréciés par un public de lettrés, "particulièrement féminin", nous dit-on. Mais aussi de Louis XIV. Au siècle des Lumières, il ne pouvait en être autrement !

Source populaire
Les Contes de Perrault étaient de source populaire, en fait la mise en écrit de récits de la tradition orale. Retranscrits dans une langue érudite et riche.
Perrault fut tenu, à l’époque, pour le chef de file des Modernes. Trois contes en vers : "Griselidis", "Peau d’Âne", "Les souhaits ridicules". Huit contes en prose : "La Belle au bois dormant", "Le petit Chaperon rouge", "La Barbe bleue", "Le Chat botté", "Les Fées", "Cendrillon", "Riquet à la houppe", "Le petit Poucet". Voilà que vous reviennent en foule des histoires qui ont, hier, fait de vos endormissements programmés des rêves pour le jour et la nuit !
L’intégrale des Contes de Perrault est ici réunie et, préalablement, commentée par Bernadette Bricout, professeur de littérature orale à l’Université de Paris, et par Céline Delavaux, spécialiste de l’art brut. Ensuite, les contes se déroulent pour nous entre fascination des images et réjouissances des propos, fussent-ils de trop de moralité.
Madeleine de Proust ou redécouverte sur le terrain boiteux de nos souvenances, les contes que voici méritent la relecture proposée, subtil cadeau de fin d’année dans un monde gris et pandémique !
Les contes en vers seraient-ils moins connus ? Sans doute. Mais qu’importe. Et, s’il est bon de savoir que La Fontaine écrivit ses fables en s’inspirant, largement, de celles d’Esope, fabuliste grec du VIIe/VIe siècle avant Jésus-Christ, Perrault ne recourut pas moins à ses devanciers, à Boccace notamment et à son "Décaméron", autrefois publié par Diane de Selliers, pour "Griselidis", variante de Griselda, de Boccace… Une jeune femme vertueuse y accepte "sans sourciller" toutes les épreuves infligées par son mari pour tester l’authenticité de son amour… À notre époque, bonjour les dégâts !
Plus connu, "Peau d’âne" doit à un film de Jacques Demy, interprété par Catherine Deneuve, sur une musique de Michel Legrand, sa permanence parmi nous. Sont toujours appréciés de nos jours, ceux-ci en prose, "Cendrillon", "Le Petit Poucet", "Le chaperon rouge" ou "Barbe bleue" que l’on retrouve assortis de leur moralité…

Joyaux littéraires
L’écriture des contes de Perrault est, à l’instar des fables de La Fontaine, du théâtre de Molière, Racine ou Boileau, cette sorte de joyaux qui traverse les siècles parce que son classicisme de belle volée transcende jusqu’à l’histoire et sa morale.
Au-delà du tragique et du merveilleux, nous dit-on, ‘les contes nous apprennent ainsi à nous dépasser et à aller plus loin… Ils donnent un sens à notre existence. Ils reflètent les contradictions de la vie, celles-là même qui fondent nos choix et nos actes. Les Content nous racontent’… Bien utiles en ce temps de vaches maigres, de contrariétés et de contradictions sans fin, d’usurpations de pouvoir, de slogans imbéciles, de passe-droits éhontés, d’entraves forcenées à nos libertés ! Petits ou grands, jeunes ou vieux, prenons-en de la graine.
L’art brut
Jean Dubuffet disait : "Le vrai art, il est toujours là où on ne l’attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom." Anselme Boix-Vives, Aloïse Corbaz, Fleury Joseph Crépin, Henry Darger, Madge Gill, Martha Grünenwaldt, Johann Hauser, Augustin Lesage, Michel Nedjar, André Robillard, Louis Soutter, Marcel Storr, Bill Traylor, Alfred Wallis, Scottie Wilson, Adolf Wölfli, Carlo Zinelli… Ces noms les plus connus parmi les 84 artistes retenus comme appartenant à l’art brut soulignent la qualité d’un répertoire qui adjoint sa connivence plus ou moins inattendue à des récits qui, s’ils se suffisent à eux seuls, n’ont pas à rougir d’une imagerie qui les rejoint par la bande.
C’est cela aussi toute la richesse d’un bien beau livre qui se lit aussi entre les lignes. Contes à rêver tout haut, à dormir debout ou à retourner de midi à quatorze heures, les Contes de Perrault font partie d’un trésor universel à méditer.
Les Contes de Perrault Littérature et art brut De Éditions Diane de Selliers, un volume sous coffret illustré, 370 pages, 130 œuvres d’art brut, 84 artistes. Prix 230 euros environ jusqu’au 31 janvier, ensuite environ 250 euros.
