Pascal Bruckner fait de l’homme blanc le bouc émissaire
Dans son dernier essai, il s’en prend vivement aux discours "néoféministes, antiracistes et décolonial".
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- Publié le 13-11-2020 à 00h00
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Dans une note de fin de livre, Pascal Bruckner envoie "un salut particulier à ceux qui m’ont dissuadé de réaborder ce thème, craignant pour moi l’opprobre et le discrédit. Leurs réticences m’ont donné des ailes." Il nous le confirme quand on l’interroge : "Cela m’a encouragé à contrer les esprits peureux". En particulier ceux de "la gauche" qu’il accuse d’aveuglement, jugeant même "que l’ultra-gauche devient proche de l’extrême droite."
Son nouveau livre est un pamphlet. Un coupable presque parfait. La construction du bouc émissaire blanc a plu aux médias de droite, voire d’extrême droite comme Valeurs actuelles, qui l’ont salué chaleureusement. Libération et Le Monde préférant dresser un portrait de Bruckner présenté dans ce dernier comme "Le mâle pensant", " L’ essayiste de 71 ans, nouveau juré de l ’ acad émie Goncourt, se dit héritier de Mai 68, mais soutient Roman Polanski contre Adèle Haenel et le mouvement #MeToo, attaque Greta Thunberg et regarde l ’ islam de travers … "
Analysant ce qui se passe aux États-Unis et qui arrive, dit-il, en France, il dénonce ce qu’il juge comme une "dérive néoféministe, antiraciste, décoloniale" qui désignerait désormais "l’homme blanc, hétérosexuel, de plus de 50 ans, comme l’ennemi, le violeur, le raciste, l’exploiteur".
"Quand on a 20 ans, nous dit-il, dans nos pays, à niveau de vie égal, il vaut mieux être une femme qu’un homme. La femme se trouve sur une pente ascendante, l’homme sur une pente descendante."
Génie lesbien
Dans sa ligne de tir, des néoféministes comme Pauline Hermange, auteure de Moi les hommes, je les déteste, ou Alice Goffin, auteure du G énie lesbien. Tout en sortant leurs phrases de leur contexte, il les accuse de vouloir en fait "éradiquer les hommes et prendre le pouvoir sur les femmes contre le féminisme." Il persiste et signe même quand ces dernières nient vouloir la fin des hommes mais disent vouloir agir pour rééquilibrer les choses, et même quand les statistiques démontrent toujours qu’être femme, ou d’une autre couleur de peau ou d’orientation sexuelle différente, reste très discriminant négativement.
S’il concède que l’égalité républicaine a encore des progrès à faire, "l’égalité ne se décrète pas mais doit advenir naturellement."
Jeanne d’Arc
De la même manière, il refuse que l’Europe "qui la première a aboli l’esclavage" supporte la culpabilité de l’esclavage américain. Il ne veut pas d’une importation du mouvement Black Live Matter chez nous. Sur le plateau d’Arte, il s’en est pris à Rokhaya Diallo, musulmane de gauche, référence du mouvement noir et féministe.
Il est tout aussi inquiet du "culte" pour Greta Thunberg malgré les avertissements répétés du GIEC : "il est fou de s’agenouiller ainsi devant une adolescente. Jeanne d’Arc c’était au Moyen Âge" et il préfère parler du livre de Marc Fontecave, chimiste et professeur au Collège de France, dénonçant "le catastrophisme en écologie."
Pour lui, Tocqueville avait déjà vu que "lorsque les conditions de vie générale s’améliorent les inégalités qui subsistent, même réduites, deviennent insupportables."
"Ce qui arrive chez nous provenant des États-Unis est pire que le mal que ces mouvements dénoncent. L’antiracisme devient un racisme anti-blanc, le néoféminisme se retourne contre les femmes. Cela nous condamne à une guerre de tous contre tous".
Il voit dans les "gilets jaunes" une "preuve" du déclassement des "hommes blancs" de province.
Ce glissement très réactionnaire de Pascal Bruckner avait commencé déjà avec Le sanglot de l’homme blanc. Pierre Assouline le disait dans Le Monde : "Pascal Bruckner, qui est un intellectuel très affû t é , à droite sans aucun doute, a des opinions politiques clivantes". Et il aime cela, pourrait-on ajouter.
Un coupable presque parfait. La construction du bouc émissaire blanc Essai De Pascal Bruckner, Grasset, 350 pp. Prix env. 20,90 €, version numérique 14,99 €
