Besoin de voyager? Les quatre récits qui vous emmènent ailleurs
Vous cherchez des pages qui vous emmènent ailleurs ? Voici les recommandations de la rédaction.
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Publié le 02-12-2020 à 15h07 - Mis à jour le 01-01-2021 à 19h35
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Les récits de voyage sont de précieux palliatifs à notre confinement. Quatre auteurs nous embarquent dans leurs pas pour des expéditions dépaysantes, du plus près (leur région) au plus lointain (l’Oural).
“Carnets de New York” de Paolo Cognetti
Pendant plus de dix ans, Paolo Cognetti a multiplié les allers-retours vers New York. Dès qu’il avait assez économisé, il y retournait pour des séjours de deux à trois mois. Une expérience au long court, donc, qui l’a vu sillonner la ville inlassablement. Résultat : l’auteur des Huit montagnes avoue mieux connaître New York que son village natal, près de Milan. Après avoir écrit sur la montagne (Le garçon sauvage, 2016) et l’Himalaya (Sans jamais atteindre le sommet, 2019), voici qu’il proclame dans Carnets de New York (traduit de l’italien par Anita Rochedy, Stock, 192 pp., env. 17,50 €) son amour pour la ville qui ne dort jamais.
La visite qu’il nous propose se déroule par quartier, accompagnée de neuf cartes qu’il a lui-même dessinées. Alors que la cité tout entière lui paraît matière à roman, ses guides sont avant tout les grands écrivains de New York : Herman Melville, Walt Whitman, Francis Scott Fitzgerald, Henry Roth, Jack Kerouac, Allen Ginsberg, Grace Paley, Truman Capote, Hubert Selby Jr, ainsi que, pour les contemporains, Paul Auster et Colson Whitehead. Ses intérêts s’entremêlent, de l’immigration (italienne, mais pas seulement) aux jardins partagés, de la résistance de certains endroits à la perpétuelle métamorphose d’autres, du passé aux riches amitiés qu’il a nouées au fil du temps, des endroits courus aux marges de la ville.
“New York, tu la prends comme elle est mais tu la fais également tienne à ton arrivée : elle était différente avant, aussitôt après elle changera encore, et tout ce que tu écris sur elle vieillit immédiatement, l’encre n’a pas eu le temps de sécher que c’est déjà daté. C’est un instantané de quand tu y étais, ni plus ni moins.” C’est en impressionniste et en visiteur conquis que Paolo Cognetti fait palpiter l’âme de New York en ces pages.

“Hourra l’Oural encore” de Bernard Chambaz
Publié chez Paulsen (175 pp., env. 19,50 €), ce récit est né d’un voyage en deux temps – le premier en mars, le second en août, pour des météos et des ambiances différentes. Il s’inscrit en écho à Hourra l’Oural, recueil oublié de Louis Aragon, “mélange détonnant de reportage et de propagande”, dont certains vers émaillent le texte. C’est en compagnie de son “amoureuse” que Bernard Chambaz (Boulogne-Billancourt, 1949) part à la rencontre de l’Oural. Territoire méconnu, à la frontière de deux mondes (l’Europe et l’Asie), ce terreau a vu grandir de grands hommes comme il a été le théâtre d’atrocités. C’est ainsi que l’auteur se place dans les pas de Boris Pasternak, génial auteur du Docteur Jivago (qu’il relit lors de son premier séjour), qui se vit contraint par le régime de refuser le Nobel de littérature qui lui avait été attribué en 1958, mais aussi du danseur Rudolf Noureev ou du jeune Boris Elstine. Mais son premier voyage est également guidé par la volonté de “voir de mes yeux un camp de travail forcé au cœur de ce ‘goulag’ qui fut le centre de gravité effroyable, voire le trou noir du système soviétique”. Ainsi visite-t-il Perm-36 en ne cessant de penser aux Récits de la Kolyma de Chalamov. À la suite de l’auteur d’Un autre Eden, l’on visite encore les monastères de Verkhotourié ou déambule à Ekaterinbourg, dans le sillage des Roumanov qui y ont été assassinés.
“Très vite, j’éprouve ce que je suis venu chercher : l’immensité du paysage de neige, l’épais manteau qui recouvre la terre, la densité légère des bouleaux, l’imminence de l’horizon, le mystère qui fait qu’on ne s’en lasse pas.” Au-delà de l’Histoire, omniprésente en ces pages, c’est aussi un décor unique qu’est venu chercher Bernard Chambaz. Ainsi que, d’une manière moins nécessaire et malgré une pratique rudimentaire du russe, la rencontre avec une population et un folklore vivace.

“La leçon du brin d’herbe” d’Olivier Bleys
De son propre aveu, Olivier Bleys (Lyon, 1970) se déplace majoritairement à pied. Et s’il n’est pas en train d’arpenter un ailleurs plus ou moins lointain, il s’octroie cinq à dix kilomètres de marche quotidienne là où il vit. Romancier mais aussi auteur de plusieurs ouvrages déjà consacrés à cette activité, il signe aujourd’hui La leçon du brin d’herbe (éd. Salamandre, 146 pp., env. 19 €), nous invitant à sa suite à être aussi volontaires et tenaces que ce brin d’herbe qui, piétiné, parviendra à se redresser, ou que cette graine qui réussira à s’implanter dans les quelques grammes de terre coincés entre deux pavés pour devenir fleur.
Les lignes/limites géographiques balisent ses virées. Ainsi aime-t-il effectuer des tours de villes, aux confins peu fréquentés des agglomérations. De même a-t-il entrepris un tour du monde qu’il réalise au rythme d’un mois de marche par an, en reprenant le cours là où il l’a laissé. Alors qu’une infinité de parcours pouvaient être imaginés, Olivier Bleys a, lui, choisi d’avancer vers l’Est, suivant les latitudes tempérées de l’hémisphère Nord, progressant sur les mêmes parallèles. Mais qu’il soit dans sa ville, dans les steppes russes ou dans les dunes du Sahara, il développe une même attention à la nature qui l’environne, déplorant le manque de connaissances qui lui permettraient d’identifier et de mieux comprendre la faune et la flore. Quand la peur de l’ours et les attaques de moustiques, elles, ne nécessitent aucune exégèse ! C’est encore avec un regard aiguisé par une grande sensibilité qu’il conte ses expériences, lui qui aime tant marcher pieds nus pour mieux éprouver la symbiose avec l’environnement, et n’oublie jamais de déployer le cerf-volant fétiche qui l’attend toujours au fond de son sac à dos, prêt à danser avec les nuages.

“Marcher sur la diagonale du vide” de Jean-Luc Muscat
C’est d’une plume riche et assurée que Jean-Luc Muscat nous propose de le suivre sur les 660 km qui séparent Vézelay de Figeac. Cette partie centrale du territoire français est dénommée “Diagonale du vide” par les démographes, suite à la raréfaction de sa population et des services de proximité. Fervent adepte de la marche au long cours, l’auteur vante le fait qu’elle permet une liberté de rythme, de mouvements et de pensées incomparable, de même qu’elle offre une “position privilégiée d’où l’on peut contempler avec philosophie le monde qui va”. Une fois le bâton de noisetier adéquat trouvé, le voilà embarqué pour un itinéraire de solitude qu’il préfère à l’encombrement de certains parcours – le GR20 et l’extrémité de la Galice notamment.
Sous la forme d’un journal de bord quotidien (Le mot et le reste, 120 pp., env. 13 €), la traversée prend corps, sous l’œil critique de Jean-Luc Muscat, qui n’hésite jamais à fustiger la politique d’abandon orchestrée par les autorités dans la région. Mais son regard est avant tout attiré par le décor qu’il traverse, de clochers en bocages, de champs de colza en mares, de chemins forestiers en ruines médiévales, sans oublier la richesse de la biodiversité qu’il côtoie. En ce mois d’avril qui voit le printemps s’installer, la météo est un peu capricieuse, sans que ce soit jamais un souci. Chaque soir, il teste l’hospitalité locale, avec plus ou moins de bonheur. Mais l’essentiel est ailleurs. “Rêver en marchant voilà l’affaire, se laisser aborder par les esprits du chemin, tutoyer les fées, vagabonder, caresser les formes. La poésie opère, les conditions sont réunies, profitons-en, il faut en faire bonne réserve, s’en remplir les bajoues pour que les jours de disette soient supportables.”
