Quand sonne l’heure de la métamorphose
Un texte où Claire Keegan dénonce le sort funeste de celles qui furent exploitées par les "Magdalene Laundry".
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- Publié le 04-01-2021 à 15h17
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La mécanique de Noël, parfaitement huilée, était enclenchée : les commandes de dernière minute affluaient, les lettres au père Noël étaient écrites, le traditionnel gâteau avait été confectionné et le sapin illuminé trônait dans la bow window. Pourtant, en cette année 1985, à New Ross, ville portuaire du sud-est de l’Irlande, Bill Furlong est en proie à d’étranges émotions.
Alors que ce marchand de bois et de charbon établi enchaîne les livraisons, une fêlure s’est instillée en lui : il commence à s’interroger sur sa situation de privilégié. Tout va s’accélérer quand cet homme marié et père de cinq filles ouvre enfin les yeux sur le sort réservé à celles qui travaillent en esclaves à la blanchisserie du couvent, l’un de ses importants clients. Bill Furlong est d’autant plus bouleversé qu’il n’a pas oublié d’où il vient.
À quoi bon ?
Enceinte à l’âge de seize ans, sa mère a été rejetée par sa famille. C’est grâce à la générosité et à la bienveillance de Mrs Wilson, chez qui elle travaillait, qu’elle a pu conserver sa situation, impliquant toit et subsistance pour son fils. L’attention de Mrs Wilson a même généré en lui le sentiment qu’il aurait pu être le fils qu’elle n’a jamais eu. Quel homme serait aujourd’hui Bill s’il n’avait pu compter sur cette précieuse protection ? Et si Mrs Wilson n’avait continué de veiller sur lui après le décès soudain de sa mère, alors qu’il n’avait que douze ans ?
"À quoi cela servait-il ? s’interrogeait Furlong. Le travail et l’inquiétude continuelle." Propice à l’introspection, le temps de Noël s’annonce révélateur pour Furlong. Voici venu pour lui le temps de s’opposer aux usages établis, de renverser les hypocrisies et d’agir en chrétien qui ne se contente plus d’assister à la messe par habitude. Pour pouvoir se regarder dans le miroir, il sait qu’il doit agir.
Dans cette novela aux accents de conte de Noël, Claire Keegan (née en 1968 dans le comté de Wicklow) peint délicatement, entre noirceurs et bontés des âmes, le tableau intimiste d’une métamorphose. Un interpellant hommage aux mains tendues mais aussi à toutes celles (dont on ignore précisément combien elles furent) qui ont été cachées, incarcérées et forcées de travailler dans les blanchisseries de Magdalene en Irlande jusqu’en 1996. Bannies de la société, exploitées, elles y perdirent leur bébé, la vie ou un avenir qui aurait pu être autre. Sous couvert de religiosité et de réputation à tenir, personne alors n’a voulu savoir ce que cachaient ces murs.
Ce genre de petites choses Récit De Claire Keegan, traduit de l’anglais (Irlande) par Jacqueline Odin, Sabine Wespieser, 120 pp. Prix env. 15€, version numérique 10,99 €
