Un magnifique roman de Jean-Philippe Toussaint sur notre horizon qui peu à peu s’embrume
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Publié le 18-01-2021 à 17h55 - Mis à jour le 20-01-2021 à 17h35
La Disparition du paysage est un très court texte de Jean-Philippe Toussaint (moins de 50 pages) mais un vrai bijou d’écriture et de mélancolie. Il l’a écrit au lendemain des attentats de Bruxelles pour l’acteur Denis Podalydès qui le jouera sur scène, dans une mise en scène d’Aurélien Bory à partir du 12 janvier aux Bouffes du Nord à Paris avant une tournée. Tout cela si la pandémie l’autorisera.
Ce texte est une méditation. Un homme blessé par l’attentat est en convalescence dans une chambre d’Ostende, ville où Jean-Philippe Toussaint a souvent écrit ses romans. Réduit à l’immobilité, il n’a comme horizon qu’une fenêtre donnant sur la plage et par laquelle il peut voir le jeu de l’eau, du vent et de la lumière, soit ce qui est à l’origine même de la vie.
Sa fenêtre est un tableau sans cesse changeant, une métaphore aussi de la littérature ouvrant sur le monde. "Mon esprit a pris le large et, porté par le vent et les embruns, entraîné par le grand air et le sable qui fuit en rampant sur la plage les jours de tempête, je parviens à m’abstraire de la réalité où je suis encalminé depuis des mois. Je me remets alors à construire des paysages asiatiques, des villes japonaises."
Une ouverture sur le monde
Toute peinture, tout roman est de même une ouverture sur le monde pour s’abstraire de la réalité apparente.
Même l’épais brouillard qui parfois s’abat sur Ostende devient l’image du monde extérieur qui se présente "comme une vaste étendue informe et cotonneuse dans laquelle je jette des coups de projecteur pour essayer de retrouver mes souvenirs."
Mais cet effort est vain, "mon passé disparu est comme un de ces rêves qu’on vient de faire et dont on ne se souvient plus au réveil. Le rêve oublié est là, à portée de main, mais il nous reste inaccessible."
Cette fenêtre sur le monde va peu à peu disparaître car on construit des étages au-dessus du casino d’Ostende, bouchant la vue de son appartement.
Le paysage a disparu, et la mort est dès lors là, à moins qu’elle n’avait déjà surgi le jour de l’attentat.
La Disparition du paysage Roman De Jean-Philippe Toussaint, Les Éditions de Minuit, 47 pp. Prix 6,80 €, version numérique 4,99 €
