L’impressionnisme victime du réchauffement climatique
La Joconde, L’Angélus, Le Déjeuner sur l’herbe, La Grande Vague de Kanagawa ou La Jeune fille à la perle, comme vous ne les aurez jamais vus, voici ce que propose l’illustrateur Julien Couty dans Quel tableau ! premier album jeunesse, récemment paru au Rouergue. Une entrée en matière surprenante pour une initiation à l’art interactive, dans un genre à part, et toujours aussi porteur : celui des livres d’art pour la jeunesse.
Publié le 25-01-2021 à 08h57 - Mis à jour le 25-01-2021 à 10h31
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Sous une forme didactique, pédagogique, lyrique ou décalée, nombreux sont les auteurs qui rêvent de lever un coin du voile sur les tableaux fondateurs qui les ont éblouis, émus, ou confrontés ; sur ceux, souvent, qui appartiennent au patrimoine collectif, qui balisent les grandes lignes de l’Histoire de l’art et de la culture générale. Et chaque adulte qui feuillettera l’un des ouvrages qui leur sont consacrés aux côtés de son enfant revisitera les standards de la peinture avec un plaisir non feint. Surtout lorsque ceux-ci apparaissent sous un jour nouveau, actualisé et dérangeant, signe de tant d’hérésie. Tels ces Coquelicots de Claude Monet, envahis par des badauds plus préoccupés par leurs selfies que par la magie des prés d’été.
Improvisé sur un terrain à bâtir, avec, en arrière-plan, des immeubles de béton, Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet n’affiche plus seulement la nudité comme incongruité. Et tous les arbres abattus autour des protagonistes crient le manque de verdure et les ravages du temps.
Pommes de terre bourrées de pesticides
Dépités, les paysans de L’Angélu s ne trouvent plus que des pommes de terre bourrées de pesticides tandis que, victimes du réchauffement climatique, Les Joueurs de cartes de Paul Cézanne apparaissent dans leur plus simple appareil.
Tournesols fanés, badauds masqués le Dimanche après-midi à l’Île de la Grande Jatte et migrants emportés par La Grande Vague de Kanagawa sont autant d’autres incises dans ces œuvres adaptées au mauvais air du temps. Si bien qu’on réalise rapidement que l’auteur a surtout voulu dénoncer les dérives de notre société de consommation, mais son détour par l’art pour y arriver confirme la force évocatrice des chefs-d’œuvre et nous y renvoie, inévitablement.
"Je suis plus habitué au dessin d’illustration, pour synthétiser mes idées. Il s’agit de mon premier album jeunesse, nous dit Julien Couty . Je voulais partir d’un tableau détourné, pour transmettre un message. J’ai pris des sujets anxiogènes, l’écologie, dans le but d’en faire quelque chose de plus léger, même si j’ai choisi l’exagération pour conscientiser le jeune lecteur. Je ne fais pas de révélations. Je voulais juste apporter un regard un peu différent - et pourquoi pas amusant ? - sur le sujet. Je trouve cela intéressant d’utiliser des images ancrées dans la culture populaire."
S’adressant au jeune public, l’auteur a choisi des tableaux connus plutôt que ses œuvres préférées. "Les images fonctionnent bien quand on a la référence. Le côté populaire, connu, était donc intéressant. On se croirait au Musée d’Orsay. Le livre parle aussi des inquiétudes d’un papa face au monde dans lequel vit son enfant. Mais, au deuxième degré, il s’agit bien sûr d’une manière détournée d’aller vers ces tableaux-là, de découvrir les références, de s’intéresser à l’art."