De la Shoah à l’émancipation
Franci Rabinek Epstein dénonça le double funeste mal, il y a 50 ans. Son message ne passa pas. Il est plus fort que jamais.
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Publié le 19-02-2021 à 17h40
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À quelques exceptions près, les récits de l’horreur des camps d’extermination nazis furent surtout ceux de prisonniers raciaux. Il n’y eut guère de place pour ceux des déportées sauf si, ayant échappé à l’enfer de la Shoah, elles avaient aussi pris une place certaine dans la vie publique. Ces dernières années, on a cependant vu se multiplier des témoignages glaçants sur le vécu terrible des femmes.
Franci Rabinek Epstein a, incontestablement, vu clair bien trop tôt lorsqu’elle avait décidé de coucher sur papier, trois décennies plus tard, son aussi fascinant qu’incroyable passage par trois camps de concentration et d’extermination. Juive tchécoslovaque, elle était destinée à une belle carrière dans le monde de la mode en se voyant confier, à 18 ans à peine, la direction de la maison de haute couture qui appartenait à sa mère, mais Hitler avait envahi la Tchécoslovaquie à la mi-mars 1939, soit deux semaines après avoir fêté ses 19 ans.
Franchise sans barrières
Franci Rabinek ne manifestait nul intérêt pour la politique et à peine consciente qu’avec quatre grands-parents juifs, elle se retrouverait dans le collimateur de la politique ségrégationniste puis exterminatrice de l’occupant. Consciente au contraire d’être gâtée, elle entendait s’amuser malgré les responsabilités nouvelles et donc "danser, papillonner et skier". Son destin bascula à l’instar de celui de ses parents lorsque les Nazis s’en prirent systématiquement aux citoyens d’origine juive. Cela l’amena à se retrouver successivement à Theresienstadt, au camp thécoslovaque d’Auschwitz-Birkenau, au camp de Dessauer Ufer (Neuengamme) et, enfin, à Bergen-Belsen. Dans cette succession de l’horreur, elle rencontra aussi Josef Mengele.
Sa détermination à résister malgré tout alla jusqu’à vaincre le typhus à la toute fin du conflit mais il y avait aussi chez elle une volonté de vivre et de survivre. Ce dont atteste son récit qui fourmille de détails mais aussi d’un humour à toute épreuve et d’une belle élégance naturelle. En même temps, pas question de langue de bois qui eût trop contrasté avec sa franchise sans barrières de jeune femme libérée. C’est là que ça coinça au milieu des années septante malgré la révolution des mœurs…
Le bonheur après l’horreur
C’est que Franci Rabinek n’esquiva ni les rapprochements sentimentaux des déporté(e)s et de certains de leurs gardes ou bourreaux, ni les abus qui en découlèrent. On hésita donc à publier son récit. Qui reflétait pourtant une vie exceptionnelle puisque après la guerre, elle avait réagi positivement en s’installant finalement aux États-Unis.
Pour l’Histoire, il y eut, heureusement, sa fille Helen Epstein, journaliste et écrivaine qui s’intéressa beaucoup aux traumatismes reçus en héritage par les descendants des victimes de la Shoah. Non seulement, elle a publié le livre mais l’a complété d’éclairages très utiles…
La guerre de Franci Témoignage De Franci Rabinek Epstein, traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Dutheil, Flammarion, 283 pp. Prix 21 €, version numérique 14,99 €
