Hervé Hasquin stigmatise les complaisances intellectuelles avec les totalitarismes de gauche
De l’URSS à la Chine, bien sûr, mais aussi de Cuba au Pérou, Hervé Hasquin arpente tous les sentiers, peu lumineux, mais éclairants, de la Révolution communiste.
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Publié le 10-03-2021 à 16h13 - Mis à jour le 10-03-2021 à 16h14
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Ancien recteur et président de l’ULB, ancien sénateur et ministre, ancien secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique et secrétaire général de La Pensée et les Hommes, Hervé Hasquin est un des tout grands intellectuels du Royaume. Et, à l’heure où, comme d’autres, il se dit "consterné et inquiet" face au fanatisme religieux , ce dix-huitiémiste renommé sort de ses sentiers habituels pour constater, dans un essai percutant, que cette "déchéance de rationalité", selon l’expression de Gérald Bronner, a pris, il n’y a pas si longtemps, d’autres formes.
Voici donc Hervé Hasquin lancé dans une "fouille archéologique de la production littéraire, philosophique et journalistique" d’Europe, mais aussi d’Amérique, pour exhumer - le temps passant, les vieux oublient et les jeunes ignorent - la prose de ces intellectuels de gauche, dont beaucoup de "beaux esprits" du siècle dernier, qui s’égarèrent et parfois se perdirent dans l’admiration des régimes communistes, voire dans l’adulation de leurs potentats. Dans un livre de 1995, le Français Pierre Rigoulot dénonçait "les paupières lourdes" de ses compatriotes qui refusèrent d’ouvrir les yeux sur les réalités du stalinisme, du maoïsme et de leurs avatars aux quatre coins de la planète. Hervé Hasquin parle, lui, des "œillères rouges" qui empêchèrent tant de gens a priori intelligents de voir ce qu’il aurait fallu voir et que d’autres, au demeurant, voyaient.
Pas un catalogue, mais une généalogie
Car, si le propos d’Hervé Hasquin est de documenter le délire intellectuel que provoqua la création de l’URSS, que réalimenta la fondation de la Chine populaire, et que porta à son comble Mai 68, sur fond de Révolution culturelle chinoise, il est aussi de saluer les "éclaireurs", "vigies" et autres observateurs lucides des dictatures marxistes-léninistes, qu’il s’agisse des maisons-mères à Moscou et Pékin, ou de leurs filiales en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Beaucoup, de Boris Souvarine à George Orwell, de Simon Leys à Jean-François Revel, de Claude Roy à François Ponchaud, eurent le courage de dire que le roi était nu. Il leur en coûta souvent leur réputation, parfois leur carrière académique, avant que l’Histoire ne finisse par leur donner raison.
De l’URSS à la Chine, bien sûr, mais aussi de Cuba au Pérou, Hervé Hasquin arpente tous les sentiers, peu lumineux, mais éclairants, de la Révolution communiste. Une mention spéciale devrait être décernée aux "catho-Mao", cette engeance qui porta aux nues, contre toute logique, des gouvernements s’ingéniant notamment à persécuter clergés et croyants. Le Cambodge de Pol Pot offrit ainsi à un professeur de droit aussi éminent que François Rigaux, à l’UCL, l’occasion d’encenser les génocidaires khmers rouges…
Hervé Hasquin n’entend pas dresser "un catalogue", mais "plutôt une généalogie des errements de la bonne conscience de gauche depuis 1917". Certaines de ces bonnes âmes auront échappé à ses foudres, et notamment dans sa propre maison, l’ULB : nous nous rappelons de Paulette Pierson-Mathy et de sa vénération pour la Corée du Nord - un pays où la liberté d’analyse et de critique mène au camp de travail.
Œillères rouges Essai De Hervé Hasquin, Bruxelles, Éditions du CEP/La Pensée et les Hommes (Coll. "Penser l’humain"), 2021, 209 pp. Prix 18,50 €
